les Précurseurs du XVIIème siècle

  • Basilius Besler

Basilius Besler (1561-1629) est un apothicaire, médecin, botaniste émérite et éditeur allemand. Il fait paraitre le catalogue de son jardin dans le « Hortus Eystettensis » (1613). La collection comporte 367 gravures sur cuivre. 

Il est aussi l’auteur des planches de ‘pierres marines‘ exposées dans son cabinet de curiosités. Ces planches figurent dans l’ouvrage « Fasciculus rariorum et aspectu dignorum varii generis » (1616). 

L’herbier est hors du sujet qui nous intéresse mais … pour le plaisir des yeux :

Ensuite les pierres marines :

  • Nicolas-Claude Fabri de Peiresc 

Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637) scientifique provençal érudit, grand collectionneur, membre de l’Accademia dei Lincei, première académie scientifique en Europe – dont fait également partie Galilée – entretient une correspondance avec Jacques Vignier (1603-1669), Jésuite français qui lui adresse en 1635 le « Discours sur les coquilles de mer qu’on trouve en terre ferme particulièrement en Champagne », dans lequel il évoque la présence de fossiles marins dans la montagne de Reims en Champagne situés dans les environs de Nogent-Sermier, près d’un château nommé Le Causson* : « Des coquilles qui passent la longueur & la grosseur du bras d’un homme, faittes en pyramides, marquees & comme armees de pointes & de noeuds au dehors, lisses & polies, mais remplies de sable au dedans. » (Cerithium giganteum – Lmk 1804). Ce « Discours sur les coquilles… » renferme donc vraisemblablement la première description des fossiles de la région de Reims ; Bernard Palissy ayant seulement déjà mentionné l’existence de coquilles fossiles en Champagne. Pour découvrir les théories émises par Jacques Vignier, lire les 2 articles de Gaston Godard dans le cadre des travaux du Comité Français d’Histoire de la Géologie lors de la séance (avec des extraits du Discours…) du 9 juin 2004 et la communication écrite du 10 décembre 2014.

Au sein de l’Accademia dei Lincei, Pereisc correspond avec Fabio Colonna (1567-1640) qui, de nouveau, démontre avec autorité et rigueur dans son traité « De glossopetris dissertatio » (1616) que les glossopètres sont des dents de requin fossiles. Il apporte la preuve scientifique de cette origine organique en calcinant des glossopètres « qui partent d’abord en charbon, avant de partir en chaux et en cendre », comme toute substance osseuse et carnée, contrairement aux substances pierreuses. Peiresc adhère à cette théorie puisque dans une lettre à Holstenius (1637) il évoque « des dents […] de monstres marins comme ces glossopetrae ». Cette théorie tombera dans l’oubli et ne sera reprise par Niels Stensen qu’un demi-siècle plus tard. 

*Le Causson est situé non loin du célèbre gisement de fossiles lutétiens « Courtagnon », dans la montagne de Reims, que Madame Marie-Catherine Lefranc (vers 1690-1778) avait collectionnés dans son cabinet de curiosités. Sa collection fut vendue à M. Drouet un négociant de Reims et plus tard B. Faujas de Saint-Fond en a acquis une partie. Ces fossiles sont l’objet d’études par Jean Etienne Guettard, grand naturaliste français du XVIIIè siècle et Dezallier d’Argenville, conchyliologue qui reconnaissent tous 2 l’origine organique et marine de ces coquilles.

  • Agostino Scilla

Agostino Scilla (1629-1700) peintre italien, écrit « La vana speculazione disingannata dal senso » – « La vaine spéculation non perçue par les sens » (1670). Voir l’allégorie du Frontispice de l’édition. Comme ses prédécesseurs, Léonard de Vinci, Fabio Colonna il émet l’hypothèse d’une véritable origine organique des fossiles. Son sens aigu de l’observation lui permet de restituer avec réalisme les fossiles qu’il figure : 

  • Niels Stensen (Nicolas Sténon)     

Niels Stensen (1638-1686), brillant anatomiste et géologue danois est membre de l’Accademia dei Lincei (Rome).

Dans « Canis Carchariae dissectum caput » (1667), l’anatomisme affirme après dissection d’une tête de requin, que les Glossopètres sont des dents de requins, restes d’organismes vivants ayant disparu.

En analysant la structure des coquilles de mollusques vivants et leur mode de croissance et en les comparant à la structure des coquilles fossiles, il démontre l’origine organique de tous les fossiles qu’ils soient strictement identiques aux mollusques vivants ou qu’ils en diffèrent par le poids et la couleur ou qu’ils en diffèrent totalement sauf par l’aspect extérieur et décrit les mécanismes de fossilisation correspondants. 

En affirmant que les glossopètres, coquilles et autres restes d’animaux marins inclus dans des roches ne se sont pas formés in situ par génération spontanée (et n’ont pas été  transportés par le déluge) et que les terrains d’où ils sont extraits sont des sédiments déposés en strates par la mer, il définit le processus de sédimentation.

Le géologue énonce dans ce texte majeur « De solido intra solidum naturaliter contento dissertationis prodromus » (1669) trois principes en géologie, jetant les bases de la Stratigraphie. 1- Le principe de l’horizontalité primaire : des couches de roches qui ne sont pas en position horizontale sont le résultat de modifications ultérieures au moment de la sédimentation . 2- Le principe de la superposition : les couches les plus récentes sont situées au-dessus des couches les plus anciennes. 3- Le principe de la continuité latérale : les strates sédimentaires se suivent en principe latéralement, l’âge d’une strate est le même sur toute son étendue.

Il pose également les bases de la tectonique, de la cristallographie…

Le portrait de Nicolas Stenon est attribué à Sustermans – Galerie des Offices Florence

« La joie de connaître avant les autres hommes, de les précéder dans la connaissance, d’être le premier à savoir quelque chose qu’ils ne soupçonnent même pas et dont la révélation, demain, va les surprendre ; la joie de constater des phénomènes jusqu’à ce jour inaperçus, ou de trouver des rapports nouveaux entre des faits qui paraissent sans liaison et qui, désormais enchaînés, s’expliqueront les uns par les autres ; la joie de deviner et d’édicter quelque loi naturelle qui, permettant de prévoir de nouveaux phénomènes encore, ouvre soudainement aux recherches un domaine vierge, d’apparence illimitée ; la joie d’allumer un flambeau dans le cachot obscur, un astre dans le ciel noir, un phare sur le rivage de la mer Ténébreuse, et de faire reculer la nuit qui nous entoure ; la joie d’ajouter une vérité, une part quelconque, fut-elle infime, de la grande Vérité, au trésor laborieusement amassé, des siècles durant, par la pensée humaine : la joie de connaître ! » La joie de connaître, souvenirs d’un géologue. Pierre Termier, 1928
  • Robert Hooke

Robert Hooke (1635-1703) brillant savant anglais pluridisciplinaire, modèle du raisonnement inductif prôné par Bacon ; dès 1665 dans « Micrographia » puis dans ses discours à la Royal Society « Posthumous works » (édité par Richard Waller en 1705) il s’affirme, dans la foulée de Colonna et quelques années avant Stenon, farouche défenseur de l’origine organique des fossiles, vestiges d’anciennes mers déplacées suite à des cataclysmes. L’étude de ces fossiles témoins doit permettre de reconstituer le passé de la terre qu’il n’entrevoit pas encore plus long que les 6000 ans bibliques. La présence d’ammonites fossiles (‘cornes d’Ammon‘), manifestement sans équivalent dans le monde vivant, le met sur la voie d’une théorie transformisme où des espèces peuvent se modifier et disparaître. 

Ci-dessous les dessins originaux (crédit British Library) de la main de Hooke (a) et les gravures correspondantes (b) utilisées dans ses conférences à la Royal Society qui illustrent « Posthumous works  » 

« If I have seen further than others it is by standing on ye sholders of giants » «  Si j’ai vu plus loin que d’autres, c’est parce que j’étais hissé sur des épaules de géants. »Isaac Newton – lettre à Robert Hoocke (5 février 1675)
  • Filippo Bonanni , ou Buonanni 

Filippo Bonanni (1638-1725), est un jésuite, savant italien qui succède en 1698 à Athanasius Kircher à la tête du « musée » Kircher dans les locaux du Collège romain (voir « cabinets de curiosités« ). Bonanni est lui même un collectionneur de coquillages. Il publie en 1681 le premier recueil exclusivement consacré aux mollusques incluant 450 planches de coquilles « Ricreatione dell’occhio e della mente » : si les descriptions sont encore sommaires, les illustrations sont très précises (à ceci près qu’à la suite d’une erreur d’impression tous les coquillages sont représentés avec un enroulement sénestre). Il classifie les coquilles en 3 groupes, les univalves avec cornets, les « Bivalves » (première occurrence de ce terme dans la littérature) et les univalves sans cornets.

  • Georg Everard Rumphius

Georg Everhard Rumphius (1627-1702) militaire et architecte néerlandais célèbre surtout pour ses travaux en Histoire Naturelle. Il s’intéresse particulièrement aux mollusques et rédige le catalogue de ses collections « D’Amboinsche Rariteitkamer… » (1705). La richesse et la précision de ses observations se reflètent dans ses descriptions et illustrations. Il affine la classification des 3 groupes suggérés par Bonnani : des « monocoques à coque unique » (Polyplacophora, patelles et ormeaux), des « escargots ou buccins » (Gastropoda), des « à deux coquilles » (Bivalvia). La plupart des objets décrits sont nommés en fonction d’une nomenclature binominale dont s’inspirera Linné. Certaines de ses appellations sont encore utilisées de nos jours.

  • Martin Lister

Martin Lister (1638-1712) est un médecin, naturaliste anglais auteur de « Historiae conchyliorum » (1685) composée de belles planches de coquilles et de fossiles sans texte, avec une courte légende et parfois l’indication de lieu, classés en fonction de leur aspect.  Constatant la similitude de matière entre les fossiles et le milieu encaissant Martin Lister défend la théorie de ‘génération spontanée’ in situ, s’opposant ainsi avec son contemporain Robert Hooke. Pour en savoir plus : lien sur document de la Royal Society.

Dans « Appendix ad historiae conchyliorume librum IV » (1692) dont les dessins et plus de 1000 gravures sur cuivre furent réalisés en famille avec ses filles Susanna et Anna Lister, la dernière planche ci-dessous fait notamment apparaitre 3 fossiles du bassin parisien « a sabuletis parisiens » (extrait des sables parisiens) ou « a sabuletis juxta parisias » (extrait des sables des environs de Paris) » : 6- Eopsephaea muricina (Mck, 1802), 7- Athleta spinosus ( Linnaeus, 1758), 8- Amalda …. 

  • Johannes Reiskius

Johannes Reiskius (1641-1701) est un érudit allemand. Il publie en 1687 « Commentatio physica æ que ac historica de Glossopetris Luneburgensibus » qui est un manifeste contre les théories émises par Colonna et Stenon, notamment quant à l’origine organique des Glossopètres.

Pour découvrir les arguments développés par Johannes Reiskius lire l’article de Jean Gaudant & Geneviève Bouillet (2005). Içi 

 

  • Leibnitz

Gottfried Wilhelm Leibniz (allemand, grand voyageur, correspondant avec Stenon, Fontenelle…, amateur de minéraux et fossiles, pionnier de la théorie de l’évolution a eu une influence considérable sur ses contemporains et les générations suivantes. Il a transmit ses réflexions sur l’étude de la terre et ses conclusions sur l’origine organique des fossiles dans « Protogaea », publié à titre posthume en 1749 :

 

"De même que tout , au commencement , a été la proie du feu , avant que la lumière fût séparée dés ténèbres , on croit également qu'après l'extinction de cet incendie tout a été submergé par les eaux . Le fait est consacré par les monuments de notre sainte religion , et les plus anciennes traditions des peuples sont unanimes sur ce point ; et , lors même que l'on n'en tiendrait pas compte , les traces que la mer a laissées au milieu des terres fixeraient nos incertitudes , car les coquillages se trouvent répandus dans les montagnes ; et , sans sortir de chez nous , le succin , que l'on ne recueille ordinairement que sur le littoral de la mer , se rencontre quelquefois loin de ses rivages , et nous le trouvons enfoui dans notre propre sol . On extrait aussi des environs de Lunebourg des glossopètres semblables à celles de Malte , qui sont des dents de chiens marins". Protogée, trad française de Bertrand de St-Germain (1859).
"M. Leibnits croit que la mer a prefque tout couvert autrefois, & qu'enfuite une grande partie de fes caux fe font fait un passage pour entrer dans des abifmes creux, qui font au dedans de nôtre Globe. De-là viennent les Coquillages des Montagnes. Mais toute cette matiere meriteroit une plus ample difcuffion." Fontenelle Journal de l'Académie des Sciences 1706
  • Elie Richard

Elie Richard (1672-1720), protestant, avocat au Parlement de La Rochelle, collectionneur de curiosités publie en 1700 une « Histoire Naturelle des Animaux » : 200 notices manuscrites, illustrées d’aquarelles consacrées à des éléments choisis dans les règnes animal, végétal et minéral. Ci-dessous 3 notices : des pierres, le coutelier (solen, couteau) et la dail (pholade), la langouste.

Un autre manuscrit daté de Juin 1691 à La Rochelle, en provenance de la bibliothèque de Michel Begon – Intendant de marine à Rochefort et Intendant de la Généralité de La Rochelle, cité au début du texte – est intitulé « Discours sur la Formation de la Pierre qui est icy representée« . L’auteur anonyme à ce jour (le père d’Elie Richard (1645-1706), qui s’appelle également Elie Richard, médecin et naturaliste rochelais ?) à partir de la découverte d’une ammonite lors de travaux à La Rochelle, expose les différentes théories, en vigueur à l’époque, sur l’origine des fossiles. Trop fragile pour être numérisé, ce manuscrit a été retranscrit par Hervé. 

La réédition en 2020 de « l’Histoire naturelle des animaux » sous le titre « Un monde de curiosités » est assurée par Pierre Martin. Frontispice de l’ouvrage ci-dessous.

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