Les premières évocations des fossiles du bassin parisien

Les premières évocations des fossiles du bassin parisien

Les fossiles du bassin parisien ont depuis le Paléolithique été reconnus par les hommes pour leur qualité décorative et utilisés comme objet de parure (voir article rencontres géosciences de D.Merle).

Les archéologues ont découvert que nos ancêtres avaient déjà une relation privilégiée avec les coquillages fossiles ou non. Outre la collecte pour leur consommation et leur échange, il est attesté que depuis 100 000 ans les hommes utilisent les coquillages pour confectionner des parures et pour accompagner les rites funéraires. 

Objets de parure découverts dans le niveau IV40, l’Habitat n°1, IV213 et IV20 de Pincevent. 1-2 et 24-50 : Crommium sp., 3-4 : Rhinoclavis sp. , 5 : Capulus sp., 6 : Athleta sp., 7 : Battillaria pleurotomoides, 8 : Potamides angulosus, 9 et 56: Turritella oppenheimi, 10 : spire interne de gastéropode, 11 : piquant d’oursin, 12 et 55 : dent de requin, 13 : moule de ver, 14 ammonite, 15 : bélemnite, 16 : galet perforé, 17 : galet en cours de perforation, 18-23 : incisive de renne sciée, 51-52 : Ancillarina buccinoides, 53 : Olivella sp., 54 : Natica cepacea, 57-58 : perle en lignite, 59 : Dentalium spLe site préhistorique de Pincevent (La Grande Paroisse, Seine-et-Marne) dans la vallée de la Seine est le plus grand gisement magdalénien découvert en Europe. Il a livré les vestiges d’un campement magdalénien saisonnier de chasseurs de rennes datant d’environ 12 300 ans. Des parures à base de fossiles de l’éocène y ont été découvertes. L’analyse en est faite par Marian Vanhaeren dans un article publié sur le site Persée : « La parure, de sa production à l’image de soi – Un dernier hiver à Pincevent, les Magdaléniens du niveau IV0″.

Depuis au moins l’antiquité romaine, les pierres à bâtir en Île-de-France sont intensivement extraites dans des carrières du calcaire grossier parisien (Oise, Paris et ses environs immédiats) : ces roches sédimentaires carbonatées contenues dans cette couche sont très indurées, homogènes et coquillières. Elles renferment de nombreuses coquilles fossiles datant du Lutétien, dont les plus caractéristiques sont de grands foraminifères marins, les nummulites.  

On trouve trace de la première évocation des fossiles du bassin parisien dans la littérature à partir du XIIIe siècle : sous la plume d’Albert le Grand, ils apparaissent en tant qu’éléments organiques provenant d’animaux disparus. 

  • Albert le Grand

Albert le Grand (1200-dominicain, naturaliste, immense philosophe allemand imprégné d’Aristote et d’Avicenne, accorde une grande importance à l’expérience et à l’observation systématique et objective. Concernant l’origine des fossiles on peut découvrir dans le texte De causis proprietatum elementorum(Des propriétés des éléments) les notions de transgression et régression marine ainsi qu’une des premières évocations des fossiles du bassin de Paris : « Nous trouvons une preuve de tout cela (le recul de la mer) dans les restes d’animaux aquatiques (…) ; l’eau sans doute les y a amenés avec le limon gluant qui les enveloppait ; le froid et la sécheresse de la pierre les ont ensuite préservés d’une putréfaction totale. On trouve une très forte preuve de ce genre dans les pierres de Paris, en lesquelles on rencontre très fréquemment des coquilles, les unes rondes, les autres en forme de croissant de Lune, les autre encore bombées en forme d’écaille de tortue. »

 

  • Bernard Palissy 

Bernard Palissy (v.1510-1589/1590), Inventeur des ‘rustiques figulines’ du roi, crée un œuvre céramique grouillant de reptiles, batraciens et coquillages. Il met en scène un monde animal, végétal et minéral stupéfiant de vérité grâce à l’utilisation de la technique du moulage sur le vif et à la finesse des glaçures colorées transparentes, opaques ou translucides. Les coquillages sont essentiellement des moulages de bivalves : principalement des bucardes, des coques (Cerastoderma edule), des pétoncles (Chlamys sp.), des praires (Venus verrucosa), des nasses (Nassa reticulata) et de petits bulots (Buccinum undatum, le buccin). L’inclusion de moulages de fossiles du Bassin Parisien dans des bassins type ‘rustiques figulines’ semblent être l’œuvre d’ateliers postérieurs à Bernard Palissy. Pour connaître sa vie et sa pensée voir https://www.ouest-paleo.net/nos-articles/les-naturalistes-locaux/bernard-palissy/

Autodidacte, ne connaissant pas le latin, il a été peu influencé par les théories de ses prédécesseurs et, grâce à son sens de l’observation, il est une des grandes figures de la Renaissance. « Il y a plus de 140 ans qu’un auteur français qui semblait se faire gloire d’ignorer le grec et le latin a indiqué un grand nombre d’endroits du Royaume où des Coquilles sont ensevelies. je veux parler de Bernard Palissy, dont je ne voudrais pas adopter toutes les idées, mais dont j’aime extrêmement l’esprit d’observation et la netteté du style ». Réaumur – Communication à l’Académie Royale des sciences « Sur les coquilles fossiles de quelques cantons de la Touraine » (1720).

« II a fallu qu’un potier de terre, qui ne savait ni latin, ni grec, osât, vers la fin du XVIe siècle, dire dans Paris, et à la face de tous les docteurs, que les coquilles fossiles étaient de véritables coquilles déposées autrefois par la mer dans les lieux où elles se trouvaient alors ; que des animaux avaient donné aux pierres figurées toutes leurs différentes figures, et qu’il défiât hardiment toute l’école d’Aristote d’attaquer ses preuves. » Fontenelle – Histoire de l’Académie royale des sciences (1720)

« J’ay trouvé des montaignes où il y a par milliers de diverses coquilles pétrifiées, si près l’une de l’autre, que l’on ne saurait rompre le roc d’icelles montaignes en nul endroit, que l’on ne trouve quantité des dites coquilles, lesquelles nous rendent témoignages que elles ont généré sur le lieu et ont été pétrifiées en même temps que la terre et les eaux où elles habitaient furent aussi pétrifiées ». Bernard Palissy. 

C’est surtout au titre de 2 écrits significatifs qu’il nous intéresse ici : 

  • « Recepte veritable, par laquelle tous les hommes de la France pourront apprendre a multiplier et augmenter leurs thresors » (1548). Grace à son observation de la nature, Bernard Palissy y expose que les ‘pierres figurées‘ qu’il récolte en Charentes, Ardennes et Champagne sont en fait des restes d’anciens organismes vivants. Extrait
  • « Discours admirables de la nature des eaux et fontaines, tant naturelles qu’artificielles, des métaux, des sels et salines, des pierres, des terres, du feu et des émaux » (1580). ExtraitBernard Palissy y expose notamment dans le chapitre « des pierres » sa théorie sur la pétrification des ‘pierres figurées‘, organismes encore présents dans la mer ou ayant disparu (d’où une des premières formulations de la notion d’extinction d’espèces). Il y réfute également le rôle du Déluge biblique dans la dispersion des fossiles marins loin de la mer, jusqu’en haut des montagnes. Concernant les fossiles dont Bernard Palissy évoque la présence en Champagne, il pourrait s’agir de fossiles provenant du gisement de ‘Venteuil en Valois’ près de Damery (51) où l’on trouve « des buccines de diverses grandeurs bien souvent aussi longues que la jambe d’un homme » (on peut y voir l’évocation de Cerithium giganteum, Lmk 1804) .

« Et quand est des pierres ou il y a plusieurs espèces de coquilles, ou bien qu’en une même pierre, il y en a grande quantité, d’un même genre, comme celle du faubourg saint Marceau les Paris*, elles là sont formées en la manière qui s’en suit, savoir est, qu’il y avait quelque grand réceptacle d’eau, auquel était un nombre infini de poissons armés de coquilles, faites en limace piramidale. » Des pierres p216

*L’urbanisation de ce faubourg de Paris n’intervient que plus tard, malgré la présence de carrières de pierres à bâtir dans le secteur dès l’Antiquité. Ce sont avec ces pierres que sont faits les murs de Notre-Dame de Paris, l’église Saint-Germain des Prés ou de l’enclos des Templiers. À la fin du Moyen Âge, le bourg Saint-Marceau ou Saint-Marcel, non encore rattaché à Paris – il ne le sera qu’en 1724 – est appelé « Saint-Marcel-lez-Paris ».

 

  • Jan VAN GORP (GOROPIUS BECANUS)

Jan VAN GORP dit GOROPIUS BECANUS (1518-1572) médecin et humaniste néerlandais est l’auteur de « Origines Antwerpianae » (Les origines d’Anvers), paru en 1569, dans lequel il rapporte ses observations de fossiles faites sur le terrain au cours de ses différents voyages :

« La campagne suburbaine de Paris, exubérante de riches moissons en surface, est en large partie creuse en dessous, avec accès des véhicules : j’y ai trouvé beaucoup de tests de coquilles turbinées marines, contournés selon une disposition ordonnée d’une grande délicatesse et remarquables par leurs tubercules, parfaits à tous points de vue, rien ne leur manquant en somme en perfection, comparés aux piscicules vivants ». in « Jan VAN GORP (GOROPIUS BECANUS) » par François Ellenberger lors de la séance du 4 mars 1987 du COMITÉ FRANÇAIS D’HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE

 

Les fossiles du bassin parisien, deviennent progressivement des objets de curiosités – dont la provenance est rarement indiquée – emplissant les cabinets des collectionneurs dès le XVIe siècle puis traités comme des objets scientifiques essentiellement à partir du XVIIIe siècle.

 

  • Nicolas-Claude Fabri de Peiresc 

Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637) scientifique provençal érudit, grand collectionneur, membre de l’Accademia dei Lincei, première académie scientifique en Europe – dont fait également partie Galilée – entretient une correspondance avec Jacques Vignier (1603-1669), Jésuite français qui lui adresse en 1635 le « Discours sur les coquilles de mer qu’on trouve en terre ferme particulièrement en Champagne », dans lequel il évoque la présence de fossiles marins dans la montagne de Reims en Champagne situés dans les environs de Nogent-Sermier, près d’un château nommé Le Causson* : « Des coquilles qui passent la longueur & la grosseur du bras d’un homme, faittes en pyramides, marquees & comme armees de pointes & de noeuds au dehors, lisses & polies, mais remplies de sable au dedans. » (Cerithium giganteum – Lmk 1804). Ce « Discours sur les coquilles… » renferme donc vraisemblablement la première description des fossiles de la région de Reims ; Bernard Palissy ayant seulement déjà mentionné l’existence de coquilles fossiles en Champagne. Pour découvrir les théories émises par Jacques Vignier, lire les 2 articles de Gaston Godard dans le cadre des travaux du Comité Français d’Histoire de la Géologie lors de la séance (avec des extraits du Discours…) du 9 juin 2004 et la communication écrite du 10 décembre 2014.

Au sein de l’Accademia dei Lincei, Pereisc correspond avec Fabio Colonna (1567-1640) qui, de nouveau, démontre avec autorité et rigueur dans son traité « De glossopetris dissertatio » (1616) que les glossopètres sont des dents de requin fossiles. Il apporte la preuve scientifique de cette origine organique en calcinant des glossopètres « qui partent d’abord en charbon, avant de partir en chaux et en cendre », comme toute substance osseuse et carnée, contrairement aux substances pierreuses. Peiresc adhère à cette théorie puisque dans une lettre à Holstenius (1637) il évoque « des dents […] de monstres marins comme ces glossopetrae ». Cette théorie tombera dans l’oubli et ne sera reprise par Niels Stensen qu’un demi-siècle plus tard. 

 

*Le Causson est situé non loin du célèbre gisement de fossiles lutétiens « Courtagnon », dans la montagne de Reims, que Madame Marie-Catherine Lefranc (vers 1690-1778) avait collectionnés dans son cabinet de curiosités. Sa collection fut vendue à un négociant (M. Drouet) de Reims et plus tard B. Faujas de Saint-Fond en a acquis une partie. Ces fossiles sont l’objet d’études par Jean Etienne Guettard, grand naturaliste français du XVIIIè siècle et Dezallier d’Argenville, conchyliologue qui reconnaissent tous 2 l’origine organique et marine de ces coquilles.

 

  • Martin Lister

Martin Lister (1638-1712) est un médecin, naturaliste anglais auteur de « Historiae conchyliorum » (1685) composée de belles planches de coquilles et de fossiles sans texte, avec une courte légende et parfois l’indication de lieu, classés en fonction de leur aspect. La planche 10 ci-dessous fait notamment apparaitre 4 fossiles du Bassin parisien. Les dessins et plus de 1000 gravures sur cuivre furent réalisés en famille avec ses filles Susanna et Anna.

  • Antoine de Jussieu (1686-1758)

« J’eus l’honneur il y a quelques années, de présenter à l’Académie des vrayes Madrépores encore adhérantes à leurs rochers que j’avais détachées de la terre à Chaumont près Gisors, plantes pierreuses qui viennent seulement dans le fond de la mer, et qui sont les marques les plus certaines que l’on puisse avoir que cet endroit de ce continent a été autrefois une partie du bassin de la Mer. J’ai vu encore dans les carrières de Grais (= grès) de Saint-Leu-Taverni (Val d’Oise) ouvrir des pierres de Grais dans lesquels les petites coquilles et les petits galets dont le bassin de presque toutes les mers est ordinairement rempli, s’y trouvent renfermés, et je remarquai que la quperficie de ces lits de Grais est couverte d’un sable tout à fait semblable à celui du bord de la Mer. » Examen des causes des Impressions des Plantes marquées sur certaines Pierres des environs de Saint-Chaumont dans le Lyonnais. Par M. DE JUSSIEU. Histoire de l’Académie royale des sciences,‎ 

« Éloge de M. de Jussieu [Antoine] », par Jean-Paul Grandjean de Fouchy Histoire de l’Académie royale des sciences,‎ 

 

  • René Antoine Ferchault de Réaumur

Réaumur (1683-1757) fait une communication à l’Académie des Sciences ‘Sur les coquilles fossiles de quelques cantons de la Touraine‘ relatée dans les Mémoires de l’Académie royale des sciences en 1720 –  Dans ce texte y sont évoqués les sites fossilifères d’Ile de France : « Je veux dire si nous voulions trouver d’où partait le courant, par qui nous avons fait assembler toutes nos Coquilles (en Touraine). Nous pourrions, par exemple, le faire venir de la Manche, même le faire partir d’entre Dieppe et Montreuil, et le conduire jusques vers les Côtes de La rochelle. Nous pourrions même tracer sa route, qui semblerait marquée par les amas considérables de Coquilles ou de Coquilles pétrifiées : nous l’amènerions à Chaumont, entre Gournay et Gisors, où nous trouvons une surprenante quantité de Coquilles pétrifiées. Nous ne craindrions pas de le faire passer par Paris, puisqu’on tire de toutes les carrières qui l’environnent une grande quantité de Coquilles pétrifiées de toutes espèces. Les carrières d’Issy en fournissent des plus singulières; c’est surtout aux carrières du Faubourg Saint Marceau que Palissy en avait ramassé. J’en ai tiré beaucoup des environs de Saint Maur et de Charenton….. » 

« Les observations que M. de Jussieu à faites à Chaumont près Gisors nous aurait seules donné de quoi y suffire sans parler de celles qu’il a faites en bien d’autres endroits » id page 401

 

  • Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville 

Antoine Joseph Dezallier d’Argenville (1680-1765) est un naturaliste, collaborateur de l’Encyclopédie, grand amateur de Cabinets de Curiosités, grand voyageur et correspondant de nombreux savants et ‘curieux’ d’Europe. Il évoque Grignon dans « enumerationis fossilium quae in omnibus Galliae provincis reperientur, tentamina » (1751) qui est un catalogue de tous les sites fossilifères de France et de leur contenu. De nouveau dans son livre L’Oryctologie paru en français (1755), il énumère dans le détail tous les sites fossilifères notamment ceux de l’Ile de France et de la Champagne :

« Les environs de Verſailles offrent aux Curieux un bois pétrifié, où d’aſſez gros buccins ſe ſont incruſtés ; la terre de Grignon près de la même ville, a des ſablonnieres en maſſe & fort élevées, toutes remplies de foſſiles de différens genres, ils ſont petits & tout blancs. On y trouve principalement des rochers, des buccins, des vis, des cames, des limaçons à bouche applatie, tels que l’éperon, des tellines, des tonnes, comme la harpe, la porcelaine, le bonnet chinois ou cabuchon, des poulettes & des boucardes. »

 

  • Jacques-Tranquillain Féret

En effet la falunière de Grignon est mondialement connue depuis le milieu du XVIIIème siècle. Jacques-Tranquillain Féret (?1698-1759), apothicaire installé à Dieppe et naturaliste passionné de fossiles marins  possédant un célèbre Cabinet de Curiosités constitué entre autres de ses récoltes de fossiles dans le Lutétien du bassin parisien (à Chaumont-en-Vexin, à Grignon, etc.) en compagnie de Bernard de Jussieu (botaniste) et Guillaume-François Rouelle (apothicaire chimiste), et d’autres passionnés de passage, écrit le 5 mars 1753 à Louis-Élisabeth de la Vergne, comte de Tressan ( :

Je ne vous ai point envoyé des fossiles de Courtagnon, de Villarseau, de la Garenne des Boves, de Chaumont, de Magny et de Grignon qui sont à peu près les mêmes que ceux de Champagne ; les ayant examinés sur les lieux au mois de septembre, accompagné de M. Bernard de Jussieu et Rouelle qui m'avaient assigné rendez-vous à Magny, où je me trouvai très exactement pendant le mois de juillet dernier que j'ai passé à Paris, j'ai (?) à Grignon - 2 lieux au delà de Versailles - pour y examiner les fossiles qui s'y trouvent en grand nombre…L'on m'a envoie aussi de ceux de Beauvaisis (de la montagne de st Félix, Ndlr) que j'ai trouvé semblables aux précédents. De là, je conclus par la comparaison des fossiles de tous ces différents lieux, qu'ils sont et composent le même banc à la vérité interrompu dans plusieurs parties mais de plus de 40 lieues en quarré. Voilà donc une découverte nouvelle qui l'emporte de beaucoup sur le banc de la Touraine que M. de Buffond (reprenant Réaumur et Fontenelle) dit avoir 9 lieues en quarré."

 Fac-similé de la lettre au comte de Tressan.

 

  • J.E Guettard

 

J.E Guettard (, savant naturaliste, botaniste, géologue, minéralogiste français écrit dans son « Mémoire sur les poudingues » (1753) :

    « Entre Chamarante & Estrechy l’on trouve à la surface de la terre de ces gros cames connus par leur épaisseur, mêlés avec quelques autres coquilles bivalves : on les revoit devant le Grand-Jeurre pour peu qu’on y fouille, les labours même suffisent pour faire paroître ces coquilles ; mais lorsqu’on pénètre à dix ou douze pieds en terre, on découvre un banc considérable de coquilles de différentes espèces, qui fait plusieurs sinuosités. Vis-à-vis le Petit-Jeurre, des fouilles très légères ou de seuls labours mettent au jour des huîtres : entre ces deux maisons, la coupe d’un trou fait pour avoir du sable montre à peu de profondeur un lit de cailloux roulés, parmi lesquels il y a des dents de requin & des os assez gros qu’on voit aussi dans les fouilles profondes, lorsqu’on en fait au Grand-Jeurre. Dans le bassin de Brières-les-Scellés, près Saint-Lazare, l’on rencontre quelquefois des échinites environ à moitié chemin de ce dernier endroit à Morigny, les bivalves du Grand-Jeurre reparoissent, & on les trouve de nouveau vis-à-vis le couvent des Capucins qui est à la porte d’Etampes. »   photo carte géol Etampes avec lavoisier 

En 1759  dans son mémoire « Sur les accidents des Coquilles fossiles, comparés à ceux qui arrivent aux Coquilles qu’on trouve maintenant dans la Mer » remis à l’Académie des Sciences il signale en note ( a ) page 47 : 

Depuis la compoſition de ce Mémoire, j'ai vu une fripière [Xenophora] qui étoit dans ce cas : elle étoit chargée de morceaux fruſtes [frustes] de différentes cames , & de buccins qui avoient été considérables par la grandeur : j'en ai vu une autre où les coquilles étoient mêlées avec des cailloux. Puis page 49 : On trouve de ces coquilles nues où chargées de corps étrangers à Courtagnon, à Grignon & à Chaumont en Vexin…

 

  • Car von Linnaeus

 

Carl von Linneaus, Linné ( ) naturaliste suédois qui, dans la dixième édition de 1758 Systema Naturæ (système de la Nature) généralise le système de nomenclature binominale qu’il adoptera pour classer les plantes et les animaux.

 

 

En 1771, Car von Linnaeus dans « Mantissa Plantarum altera generum editionis VI et specierum editionis II » décrit et nomme Cardium lithocardium, bivalve à l’état fossile (inter petrificata) qui n’est abondant que dans les environs de Grignon. Le spécimen décrit provient-il de Grignon ? 

 

  • J.B. Lamarck

En 1801, J.B. Lamarck dans son ouvrage « Système des animaux sans vertèbres » évoque les coquilles de Grignon : 

En France, les coquilles fossiles de Courtagnon près de Reims, de Grignon près Versailles, de la ci-devant Touraine, &c. sont presque toutes encore dans cet état calcaire, avec la privation plus ou moins complète de leur partie animale, c'est-à-dire de leur luisant, leurs couleurs propres et leur nacre.

Et en 1802 J.B. Lamarck écrit dans « Mémoire sur les fossiles des environs de Paris » :  

Dans le canton de Grignon, petite commune à environ sept lieues (près de trois myriamètres) de Paris, du côté de Versailles, le citoyen Defrance*, amateur éclairé de cette partie de la nature, et infatigable dans la recherche de ses productions, a recueilli au moins cinq cents espèces de coquilles fossiles, dont plus des trois quarts n'ont encore été décrites dans aucun ouvrage d'histoire naturelle. Les professeurs du Muséum voulant favoriser le zèle du citoyen Defrance, et contribuer à fixer la connoissance de tant d'objets intéressans en attendant qu'une description suffisante en soit donnée au public, ont consenti à faire peindre dans la collection précieuse des vélins du Muséum toutes les espèces de coquillages fossiles recueillis à Grignon. Cette belle entreprise, exécutée avec les plus grands soins par deux artistes très distingués, les citoyens Maréchal et Oudinot, est maintenant fort avancée.

 

*Il s’agit du naturaliste Jacques Louis Marin Defrance [1758-1850] dont plus de 300 spécimens de sa collection de fossiles de Grignon (il a résidé dans les environs) sont représentés sur les 52 Vélins (voir Vélin n°2) que fit réaliser Lamarck qui servirent d’illustrations originales à son « Mémoire sur les fossiles des environs de Paris » publié en 1802 et dans le “Recueil de planches des Coquilles fossiles des environs de Paris” publié en 1823.

 

 

  • J.M.Coupé

En 1805, J.M. Coupé (1737-1809) publie un article « Sur les sols des environs de Paris » paru dans le « Journal de physique, de chimie, d’histoire naturelle et des arts » : 

Grignon est situé sur un ruisseau [Ru de Gally, ndlr] qui vient du parc de Versailles et va se jeter dans la Seine entre Mante et Meulan. Pendant la longueur des siècles les eaux, dont ce ruisseau est le passage, ont excavé ce canal jusqu'à la craie.
A une lieue au midi, un autre ruisseau [Ru Maldroit, ndlr], coulant parallèlement vers la même embouchure, a excavé de même, et a mis aussi la craie marine à découvert.
Il est resté en éminence entre eux une langue, un dos alongé et isolé de la déposition du pilé marin. C'est dans sa région inférieure que se trouve le célèbre dépôt des coquillages de Grignon.
C'est un massif de débris coquilliers versé confusément, solidaire, sans lits et simplement tassé.
Ce pilé est blanc, net et parfaitement lavé ; des coquillages de toute espèce également blancs et purs y sont entremêlés en désordre, et dans tous les sens.
Tous sont parfaitement conservés dans leur substance.

 

  • Barthélemy Faujas de Saint Fond

En 1809 Barthélemy Faujas de Saint Fond (1741-1819, premier titulaire de la chaire de géologie du MNHN, dans son ‘Essai de Géologie‘ décrit les fossiles « en fig. 2 et 3 Murex tripteris, Linn. Fossile de Grignon, de la plus parfaite conservation, malgré la délicatesse et la fragilité des ailes et des appendices placés vers la bouche gravée sur ses deux faces et de grandeur naturelle. L’analogue est dans l’Océan atlantique et dans les mers de l’Inde. Cette coquille est chère lorsqu’elle est d’une belle conservation. »