Pline, Oppien, Athénée de Naucratis

Pline Histoire Naturelle 9 XLVII. « Parmi les plus grandes curiosités est l’animal (Argonauta argo, L.) que les uns appellent nautile et les autres pompile. Il monte à la surface de la mer, couché sur le dos ; et peu à peu il se soulève, afin que, faisant écouler toute l’eau par un certain canal, et comme déchargé du liquide de la sentine, il navigue sans peine. Puis, étendant les deux premiers bras, il déploie dans l’intervalle une membrane d’une finesse merveilleuse ; il lui fait prendre le vent, et, ramant par-dessous avec les autres bras, il se dirige par la queue qui est au milieu, comme par un gouvernail. De la sorte il se hasarde dans la haute mer, où il se joue comme une liburnique légère ; vient-il à être effrayé par quelque chose, il aspire de l’eau et s’enfonce. »
XLIX. « Mucianus rapporte qu’il a vu dans la Propontide un second simulacre de vaisseau (IX, 47). Il dit qu’on y trouve un coquillage fait comme la carène du bâtiment appelé acatium*, avec la poupe recourbée et la proue garnie d’un éperon ; que le nauplius, animal semblable à la sèche, s’y cache, à la seule fin d’avoir un compagnon de ses jeux ; que la navigation s’exécute de deux manières : la mer étant tranquille, le nauplius la frappe de ses bras, qu’il abaisse comme des rames ; s’il fait du vent, il les étend pour s’en servir comme de gouvernail, et tourne au vent l’ouverture de la coquille ; le plaisir de l’un est de porter, le plaisir de l’autre de conduire; et ce double plaisir est ressenti simultanément par deux animaux insensibles d’ailleurs, à moins peut-être qu’il n’y ait là en jeu quelque calamité pour l’homme ; car il est certain que leur apparition est un présage menaçant pour les navigateurs. »

*L’acatium est un navire de petite taille de la Grèce antique, appartenant à la classe des bateaux nommés actuariae, c’est-à-dire qu’on manœuvrait à la rame ou à la voile.

Oppien « II est un mollusque enfermé dans une coquille univalve et profonde dont l’animal ressemble assez aux poulpes, qu’on nomme avec raison le nautile [lire argonaute], à cause de son adresse à naviguer : il habite le fond des mers sablonneuses ; quelquefois il s’élève à leur surface, mais à la renverse, le corps tourné vers la terre, afin que sa coquille ne soit pas submergée. Dès qu’il est parvenu à la hauteur des ondes, il se retourne et la dirige de la même manière qu’un pilote dirige un vaisseau. Il dresse et élève deux de ses pieds en forme de mâts ; Il déploie dans le milieu une membrane mince en guise de voile, et la présente au vent ; deux autres de ses pieds, tournés en bas et s’enfonçant dans les eaux, lui tiennent lieu de rames et font marcher à la fois la coquille, la nacelle, l’animal. Survient-il quelque danger, il ne met point son salut dans la fuite ou dans le secours des vents ; il retire et rentre à la hâte les mâts, les voiles, les rames ; un vaste volume d’eau remplit enfin la coquille : ce poids trop lourd l’affaisse et l’entraîne au fond des mers. O dieux ! qui donc a trouvé le premier l’art de la navigation ? Est-ce quelqu’un des immortels qui en a révélé les lois ? Est-ce quelque homme d’un génie hardi qui a osé le premier se hasarder sur les flots, ou plutôt ne serait-ce point que ce mollusque aurait servi de modèle et d’exemple, soit pour la construction d’un navire, du gouvernail et des rames, soit pour l’usage des mâts et des voiles ? » Oppien (Halieutiques 1.338-359) – 2ème siècle- sur Remacle.org traduction J.-M. Limes 1817.

Oppien « On y voit aussi le callichte ou le poisson sacré, le pompile, honoré des navigateurs, qui l’ont ainsi nommé parce qu’il les accompagne dans leurs voyages. Entraînés par la joie la plus vive à la vue des vaisseaux qui sillonnent les mers, les pompiles les suivent en foule et à l’envi, sautant et se jouant à la poupe, à la proue, sur les flancs, tout autour de ces chars maritimes. Leur passion pour eux est si ardente qu’on dirait qu’ils cèdent moins à une impulsion libre et volontaire qu’à des liens qui les enchaînent aux bâtiments, et qui les forcent d’en suivre la marche. Comme on voit un prince qui vient de prendre une ville, comme on voit un homme vainqueur dans les jeux publics, le front ceint d’une couronne de fleurs nouvelles, autour desquels se presse un peuple immense, enfants, jeunes gens, vieillards qui les accompagnent, qui sont toujours après eux jusqu’aux portes de leur habitation, et ne se retirent qu’après les avoir vus pénétrer au-dedans, ainsi les pompiles vont toujours en foule à la suite des navires, tant qu’ils ne sont pas troublés par la crainte du voisinage de la terre ; sitôt qu’elle n’est plus éloignée, car elle leur est odieuse, ils se retournent tous ensemble, comme ayant atteint la barrière, et se retirent en abandonnant les vaisseaux. Leur retraite est un indice certain pour les nautoniers qu’ils approchent du continent. O poisson justement cher aux navigateurs ! ta présence annonce les vents doux et amis ; tu ramènes le calme et tu en es le signe. » Oppien (Halieutiques) sur Remacle.org traduction J.-M. Limes 1817.

Athénée de Naucratis  : « Le nautile [lire argonaute], comme on l’appelle, n’est pas un polype, selon Aristote ; quoiqu’il lui soit analogue quant à ses filets, son dos est une coquille testacée. Il s’élève du fond de l’eau, et renverse sa coquille sur lui, afin de ne pas prendre d’eau de la mer ; puis la retournant en sens contraire, il navigue. Pour cet effet, il porte deux de ses filets en haut, tendant ainsi la membrane mince qui se trouve entre ces deux filets auxquels elle est adhérente, comme les oiseaux palmipèdes en présentent une coriace entre leurs doigts. Quant aux deux autres filets, il les descend dans la mer pour s’en servir comme de gouvernails. S’il voit quelque chose s’avancer, la crainte lui fait contracter ses pieds ; il remplit sa coquille, et descend promptement au fond de la mer. Le même dit dans son traité des « Animaux et des Poissons » : « Il y a un polype change-couleur, et un autre nautile ou navigateur »… On produit çà et là une épigramme de Callimaque de Cyrène sur ce nautile, en voici la teneur : Zéphyritis, je suis une ancienne conque ; mais toi, Vénus ! reçois-moi nautile, première offrande de Sélène. Je naviguais sur les ondes, lorsqu’il y avait du vent, tendant ma voile avec mes propres cordages : mais s’il régnait un calme serein, ô déesse ! j’étais occupé tout entier à ramer avec mes pieds, comme mon nom (nautile) le porte lui-même. Le hasard m’a jeté sur les côtes de Julide, ô Arsinoé ! afin que je devinsse un joujou des plus brillants pour toi. Que la cruelle Alcyone ne ponde plus pour moi, dans son nid, comme auparavant ; car je ne respire plus : mais accorde ta faveur à la fille de Clinias ; elle sait faire de bonnes choses, elle qui est de Smyrne, ville d’Eolie. » Athénée de Naucratis (v.170 – ap. 220) Deipnosophistes 7.317f (le banquet des sages)