ANTHROPOCENE or not ANTHROPOCENE ?

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Photographie et témoignage d’Edward Burtynsky (mars 2020)

Edward Burtynsky capture l’essence de l’Anthropocène dans sa photographie des mines de potasse de Berezniki (Sibérie), illustrant parfaitement la fusion entre les processus géologiques naturels et l’intervention humaine : « C’est dans les mines de potasse, sous les fondements de Berezniki, une ville russe de Sibérie centrale, que j’ai pris cette photographie…Un ancien fond marin tapissé de couches aux couleurs vives : la potasse recouverte de stries orange et les lignes sinueuses tracées par l’intense pression du sol. Cependant, les empreintes des coquilles de nautile (plutôt ammonites, ndlr) ont été dessinées par une machine que les mineurs appellent la moissonneuse-batteuse. Celle-ci creuse des tunnels avec des disques tournants de part et d’autre. Lorsque la machine fait marche arrière, elle sculpte ces médaillons dans la roche. » (National Geographic, mars 2020).


« Une bonne physique terrestre doit comprendre la météorologie, la géologie et la biologie ». Jean-Baptiste de Lamarck, Hydrogéologie (1802).


                              SOMMAIRE
** Transformations de la surface de la terre ** L'émergence du concept d'Anthropocène ** Les précurseurs de l'Anthropocène ** Les instances géologiques mondiales ** Le groupe de travail sur l'Anthropocène

 

Transformations de la surface de la terre

La Terre, âgée d’environ 4,5 milliards d’années, a connu de nombreuses transformations avant l’apparition de l’homme :

  • Les cyanobactéries (3,5 milliards d’années) ont été les pionnières de la production d’oxygène. elles ont initié la « Grande Oxygénation », modifiant radicalement l’atmosphère terrestre.

 

  • Les plantes, en colonisant la surface terrestre, ont réduit l’albédo (réflectivité de la lumière solaire), contribuant à une hausse de la température moyenne de la planète.
  • L’explosion cambrienne (540 millions d’années) a marqué l’émergence d’une diversité biologique sans précédent avec l’apparition des principaux embranchements animaux, établissant les fondements de la biodiversité moderne.
  • Les extinctions massives : La Terre et les organismes vivants ont ensuite continué à interagir. Cinq grandes extinctions ont façonné l’évolution de la vie, la dernière ayant eu lieu il y a 66 millions d’années, entraînant la disparition des dinosaures non aviens et des ammonites.

 

L’empreinte des hominidés sur leur environnement s’est progressivement manifestée : domestication du feu, utilisation d’outils, sédentarisation et urbanisation, développement de l’agriculture et de l’élevage, et utilisation des premières énergies provenant du bois et du charbon.

En 1784, l’Écossais James Watt a déposé un brevet pour une locomotive à vapeur. Le développement des machines à vapeur, avec 500 machines Watt en service dès 1800, associé à l’exploitation intensive des mines de charbon, a marqué le début de la révolution industrielle. Cette avancée technologique a entraîné l’activité humaine vers des niveaux jamais atteints auparavant.

L’émergence du concept d’Anthropocène

Pour souligner l’impact massif des activités humaines sur les systèmes terrestres, il convient de noter :

  • L’augmentation des gaz à effet de serre (le CO2 est passé de 280 ppm à 420 ppm)

 

 

 

  • La dégradation de la biodiversité et des écosystèmes
  • La perturbation des cycles biogéochimiques (carbone, azote, phosphore, souffre, etc.) qui ne sont plus auto-régulés mais tributaires des activités humaines
  • L’artificialisation généralisée des milieux naturels

Considérant que l’influence humaine est désormais la principale force géophysique modifiant la Terre, surpassant les forces naturelles qui ont façonné notre planète pendant des millions d’années, Paul Crutzen co-lauréat du prix Nobel de Chimie en 1995 et Eugène Stoermer, ont introduit en 2002 le terme d’Anthropocène pour caractériser l’impact de l’activité humaine sur la planète.

Paul Crutzen a écrit : « Au cours des trois derniers siècles, les effets de l’homme sur l’environnement mondial ont augmenté. En raison de ces émissions anthropiques de dioxyde de carbone, le climat mondial pourrait s’écarter significativement du comportement naturel pendant de nombreux millénaires à venir. Il semble approprié de nommer « Anthropocène » l’actuelle époque géologique, en grande partie dominée par l’homme, qui intègre l’Holocène – la période chaude des 10-12 derniers millénaires ». Cet article de Paul Crutzen, intitulé « Géologie de l’humanité » et publié le 3 janvier 2002 dans la revue scientifique Nature, officialise la proposition d’introduire une nouvelle époque géologique, l’Anthropocène. Paul Crutzen propose 1784 comme date d’entrée dans l’Anthropocène, correspondant au dépôt de brevet de la locomotive à vapeur de Watt.

Les preuves de l’influence humaine sur le système terrestre sont indéniables. Depuis la révolution industrielle, nos activités ont entraîné une augmentation massive des émissions de gaz à effet de serre, contribuant au réchauffement climatique. L’analyse des carottes de glace forées au Groenland et en l’Antarctique dans les années 1980 ont montré la corrélation entre les concentrations de dioxyde de carbone (le CO2 est passé de 280 ppm à 420 ppm) et les oscillations de la température. Nous avons également modifié les paysages (artificialisation conséquente des milieux naturels), perturbé les cycles biogéochimiques (azote, phosphore, etc.) et provoqué une extinction massive des espèces.

Ces changements sans précédent ont conduit certains scientifiques à adopter l’Anthropocène comme une nouvelle époque géologique, marquant la transition d’un monde façonné par des forces naturelles à un monde façonné par l’humanité.

 

Les précurseurs de l’anthropocène

Buffon (1707-1788)

Dans l’ambiance naturaliste du XVIIIe siècle, où la primauté est donnée à l’étude de la nature, Buffon a également scruté l’impact des activités humaines. Dans « Les Époques de la nature », il décrit une histoire de la Terre divisée en sept « époques », la dernière étant celle de l’humanité. Buffon écrit :

« Enfin la face entière de la terre porte aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme, laquelle, quoique subordonnée à celle de la nature, souvent a fait plus qu’elle, ou du moins l’a si merveilleusement secondée, que c’est à l’aide de ses mains qu’elle s’est développée dans toute son étendue, et qu’elle est arrivée par degrés au point de perfection et de magnificence où nous la voyons aujourd’hui. »

Il ajoute : « Aussi le premier trait de l’homme qui commence à se civiliser est l’empire qu’il sait prendre sur les animaux ; et ce premier trait de son intelligence devient ensuite le plus grand caractère de sa puissance sur la nature : car ce qu’après se les être soumis, qu’il a, par leur secours, changé la face de la terre, converti les déserts en guérets, et les bruyères en épis.» Les Époques de la nature (1768).

Lyell (1797-1875)

Charles Lyell, géologue britannique et figure majeure de la géologie moderne, a reconnu le potentiel de l’influence humaine sur l’environnement. Dans son « Manuel de géologie élémentaire » (1852), il écrit : « On ne contestera guère que nous n’avons pas le droit de projeter dans le futur des changements dans les effets des causes existantes qui ne soient pas conformes au principe d’analogie, à moins qu’ils ne soient produits par le développement progressif de la puissance humaine (human power), ou peut-être par quelque autre relation nouvelle entre le monde moral et le monde matériel. »

La capacité de transformation de l’énergie par la machine à vapeur permet d’industrialiser la production à différents endroits du globe, ce qui alerte un ensemble d’auteurs précurseurs de la pensée écologique. Il s’agit entre autres :

Jean-Baptiste Joseph Fourier (1768-1830)

Jean-Baptiste Joseph Fourier, mathématicien et physicien français, est l’un des premiers à avoir évoqué et théoriser la notion d’effet de serre pour l’atmosphère terrestre, soulignant ainsi l’impact potentiel des activités humaines sur le climat. Dans une communication à l’Académie royale des sciences en 1827 il écrit : « Il est important d’observer que la température moyenne d’un lieu peut subir, pour d’autres causes accessoires, des variations incomparablement plus sensibles que celles qui proviendraient du refroidissement séculaire du globe. L’établissement et le progrès des sociétés humaines, l’action des forces naturelles, peuvent changer notablement, et dans de vastes contrées, l’état de la surface du sol, la distribution des eaux et les grands mouvements de l’air. de tels  effets sont propres à faire varier, dans le cours de plusieurs siècles, le degré de la chaleur moyenne ; car les expressions analytiques comprennent des coefficients qui se rapportent à l’état superficiel et qui influent beaucoup sur la valeur de la température« . Mémoire de l’Académie royale des sciences (1827).

Eugène Huzar (1820-1890)

Eugène Huzar, avocat français, a publié « La fin du monde par la science » (1855), où il adopte une attitude assez catastrophiste de défiance face à la révolution industrielle. Il y évoque les conséquences climatiques de la déforestation et d’autres activités humaines sur l’environnement. Huzar écrit :  » La civilisation n’est point encore assez avancée, nous ne sommes encore qu’à l’aurore des choses, je vous le dis encore, ce livre n’est pas écrit pour ce siècle, pour vous. D’autres temps viendront où l’homme pénétré de terreur à la vue des prodiges qui se passeront sous ses yeux, le comprendra et sera effrayé. Mais le jour où il interprétera comme nous, le mythe du péché originel, de l’arbre de science, du fruit défendu, de la chute de l’homme :

Les derniers temps seront venus.

Le fruit de l’arbre de la science aura été cueilli. »

Il ajoute : « nous pouvons conclure dès aujourd’hui, en voyant les progrès rapides de notre époque, que ces progrès inouïs subiront un jour aboutir à une catastrophe planétaire, résultant de l’exagération même de la puissance et de la science de l’homme. Donc, ce qui a été sera, car le passé n’est pour nous que le miroir de l’avenir« .

Antonio Stoppani (1824-1891)

Pour caractériser l’influence croissante de l’humanité sur l’environnement le géologue italien Antonio Stoppani  a parlé d’une « nouvelle force tellurique qui par sa puissance et son universalité peut être comparée aux grandes forces de la Terre » et a proposé le concept d’une « ère anthropozoïque » Corsa di geologia (1873). Cette idée, bien que précoce, a été ignorée à son époque mais a trouvé une résonance dans les travaux ultérieurs sur l’Anthropocène.

George Perkins Marsh (1801-1882)

George Perkins Marsh, diplomate et philologue américain, est l’auteur de « La Terre telle que modifiée par l’action humaine » (1874), l’un des premiers travaux à documenter les effets de l’action humaine sur l’environnement. Il écrit « L’homme est partout un agent perturbateur. Là où il met ses pieds, l’harmonie de la nature tourne à la discorde ». Marsh considère que l’homme est bel et bien devenu une force géologique et dénonce les destructions anthropiques de certains milieux, la désertification et l’extinction des grands mammifères. 

Elisée Reclus (1830-1905)

Géographe et militant anarchiste français, Elisée Reclus a écrit « La Terre : description des phénomènes de la vie du globe » (1881), où il insiste sur les « travaux de l’homme » et leur impact géologique, modifiant les climats et les paysages. Les peuples, à mesure qu’ils se sont « développés en intelligence et en liberté » sont « devenus, par la force de l’association, de véritables agents géologiques [qui] ont transformé de diverses manières la surface des continents, changé l’économie des eaux courantes, modifié les climats eux-mêmes »

Svante Arrhenius (1859-1927)

Svante Arrhenius, chimiste suédois et lauréat du prix Nobel de chimie en 1903, est connu pour être le premier scientifique à avoir quantifié la variation de la température de la Terre dû à une variation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Il a formulé une première loi sur l’effet de serre dans De l’influence de l’acide carbonique dans l’air sur la température au sol (1896). Arrhenius estimait qu’un doublement du taux de CO2 causerait un réchauffement d’environ 5 °C, déclarant : « Si la quantité d’acide carbonique augmente en progression géométrique, l’augmentation de la température suivra, presque avec une progression arithmétique. »

Vladimir Vernadsky (1863-1945)

Valdimir Vernadsky, géochimiste russe,  a reconnu l’impact croissant de l’humanité sur la Terre et Homo sapiens comme un facteur géologique, un élément du vivant capable de bouleverser la structure de la biosphère. Dans La biosphère (1926), il écrit : « On peut établir que la pensée humaine change d’une façon brusque et radicale la marche des processus naturels et modifie ce que nous appelons les lois de la nature ». Vernadsky et Teilhard de Chardin ont utilisé le terme « noosphère » pour marquer le rôle croissant du pouvoir de l’intellect humain dans la maîtrise de son environnement et de son propre avenir : la noosphère (monde de la pensée) est la troisième phase de développement de la Terre, après la géosphère (matière inanimée) et la biosphère (la vie biologique). Tout comme l’émergence de la vie a fondamentalement transformé la géosphère, l’émergence de la cognition humaine transforme fondamentalement la biosphère.


Ces réflexions montrent que la prise de conscience de l’impact humain sur l’environnement a des racines historiques profondes. Ces penseurs et scientifiques ont tous, à leur manière, anticipé l’idée que l’humanité exerce une influence géologique significative sur la Terre, bien avant la formalisation du concept d’Anthropocène par Paul Crutzen au début du XXIe siècle.

Les instances géologiques mondiales

Le Conseil International des Sciences (CIS)

Fondé en juillet 2018, le Conseil International des Sciences (CIS), dont le siège est à Paris, connu en anglais sous le nom d’International Science Council (ISC), résulte de la fusion du Conseil International pour la Science et du Conseil International des Sciences Sociales. Le CIS œuvre à l’échelle planétaire pour :

  • Fédérer l’expertise scientifique
  • Influencer les grandes questions sociétales.
  • Mobiliser des experts et des ressources pour promouvoir une action internationale concertée sur des enjeux cruciaux pour la science et la société.

 

L’Union Internationale des Sciences Géologiques (IUGS)

L’Union Internationale des Sciences Géologiques (IUGS), rattachée au Conseil International des Sciences (CIS), est une organisation non gouvernementale internationale qui

  • Coordonne la coopération scientifique dans le domaine de la géologie.
  • Rassemble l’expertise scientifique mondiale sur des questions géologiques majeures pour la science et la société.
  • Organise les Congrès Internationaux de Géologie.

 

La Commission Internationale de Stratigraphie (ICS)

La Commission Internationale de Stratigraphie (ICS) est le plus grand et le plus ancien organe de l’IUGS a pour mission principale de :

  • Définir les unités globales de la Carte Chronostratigraphique Internationale (systèmes, séries et étages)
  • Établir l’Échelle Géologique Internationale du Temps (période, époque, âge).
  • Superviser et coordonner les travaux des dix-sept sous-commissions, chacune étant chargée de l’étude et de la standardisation de la stratigraphie d’une période géologique spécifique à l’échelle mondiale. Parmi ces sous-commissions, la Sous-commission sur la Stratigraphie Quaternaire (SQS).

 

Sous-commission sur la stratigraphie quaternaire (SQS)

Les missions principales de la Sous-commission sur la Stratigraphie Quaternaire (SQS) sont :

  • L’étude et standardisation de la stratigraphie quaternaire : la SQS est chargée d’étudier et de standardiser la stratigraphie quaternaire à l’échelle mondiale.
  • La définition des unités stratigraphiques : elle travaille à définir et à affiner les unités stratigraphiques du Quaternaire, qui font partie de la Carte Chronostratigraphique Internationale.
  • L’évaluation des propositions : La SQS évalue les propositions concernant les changements ou les ajouts à la stratigraphie quaternaire, comme la récente proposition sur l’Anthropocène.
  • La supervision du Groupe de Travail sur l’Anthropocène (AWG) : La SQS supervise l’AWG, qui a été chargé d’analyser les preuves de l’existence d’une nouvelle ère géologique causée par l’activité humaine.

Ces quatre missions mettent en évidence le rôle crucial de la SQS dans la compréhension et la définition de l’histoire géologique récente de la Terre, y compris la période actuelle marquée par une influence humaine significative.

 

Groupe de Travail sur l’Anthropocène (AWG)

En 2009, l’IUGS a établi au sein de la Sous-commission sur la Stratigraphie Quaternaire (SQS), le Groupe de Travail sur l’Anthropocène (Anthropocene Working Group – AWG), composé d’une trentaine de chercheurs pluridisciplinaires. L’AWG a pour mission d’analyser les preuves de l’existence d’une nouvelle ère géologique causée par l’activité humaine. Après quinze ans de recherche, l’AWG a proposé de faire débuter l’Anthropocène en 1950, en raison des changements environnementaux significatifs et durables observables dans les sédiments, les roches et les glaces de cette période.

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               – Proposition du Groupe à la SQS – 31/10 2023

Après 15 ans d’étude l’AWG a recommandé :

  • La création de l’Anthropocène comme une époque géologique, succédant à l’Holocène.
  • L’intégration de l’Anthropocène dans la Carte Chronostratigraphique Internationale, en raison des changements environnementaux significatifs et durables observables dans les sédiments, les roches et les glaces de cette période.
  •   De fixer le début l’Anthropocène en 1952, marqué par une augmentation notable des niveaux de plutonium, résultant des premiers essais thermonucléaires. 

 

  • L’implantation du point stratotypique global (GSSP) dans les sédiments lacustres du lac Crawford dans la banlieue de Toronto au Canada. Ce lac, d’un kilomètre carré, possède une particularité : dans ses profondeurs, ses couches géologiques sont exceptionnellement bien conservées. Les éléments qui tombent à la surface de l’eau se retrouvent dans les couches inférieures, et comme les eaux de surface et de profondeur ne se mélangent pas, les sédiments se déposent au fond du lac. Cela fait donc des siècles que le lac Crawford absorbe les signes de changement du monde extérieur, tels que les cendres de combustion du pétrole et du charbon, les métaux lourds comme le cuivre et le plomb, les micro plastiques, ainsi que les retombées d’explosions de bombes nucléaires. (Source Lisa Giroldini – Radio France 16 juillet 2023) 
  • Douze sites potentiels pour être des stratotypes auxiliaires ont été proposés, incluant des sédiments marins au Japon, des dépôts de lacs en Chine, des tourbières en Pologne et des coraux en Australie.

Cette proposition vise à formaliser l’Anthropocène comme une époque géologique, succédant à l’Holocène. L’AWG a identifié plusieurs marqueurs stratigraphiques significatifs de l’Anthropocène, apparus autour des années 1950. Il s’agit notamment :

  • Des signaux lithostratigraphiques (microplastiques, cendres volantes)
  • Des signaux chimiostratigraphiques (contaminants, déplacements isotopiques)
  • Des retombées d’essais nucléaires
  • Des effets du réchauffement climatique et de l’acidification des océans
  • Des changements biostratigraphiques (introductions d’espèces, extinctions)

 

                – Rejet de la Proposition

« Le 21 mars 2024, l’IUGS a annoncé le rejet de la proposition de l’Anthropocène comme unité formelle de l’échelle des temps géologiques. Le vote, qui s’est déroulé au sein de la SQS, a été massivement soutenu ».

Extrait de l’argumentaire développé par l’IUGS dans son communiqué du 20 mars 2024 pour expliquer le rejet de la proposition du groupe de travail sur l’Anthropocène :  

  • « Certains géologues ont souligné que les effets anthropiques sur les systèmes environnementaux et climatiques de la Terre ont commencé bien avant le milieu du XXe siècle. Ils citent par exemple les débuts de l’agriculture, la révolution industrielle en Europe occidentale, et la colonisation des Amériques et du Pacifique. Selon eux, l’Anthropocène a donc des racines bien plus profondes dans le temps géologique.
  • D’autres ont exprimé leur malaise à propos de l’introduction d’une nouvelle unité dans l’échelle des temps géologiques (GTS, pour geological time scale) qui tronquerait l’Holocène.  Ils notent que cette nouvelle unité aurait une durée de vie inférieure à celle d’un être humain, se trouvant ainsi en décalage avec les autres unités dans l’échelle des temps géologiques qui s’étendent sur des milliers, voire des millions d’années.
  • Une troisième préoccupation concerne le caractère disparate et erratique dans le temps et l’espace, des effets humains sur les systèmes globaux. Les géologues estiment qu’il est difficile de représenter ces effets par un horizon isochrone unique, reflétant un seul point dans le temps.

  • Face à ces objections, un récit alternatif a émergé, proposant que l’Anthropocène ne soit pas considéré comme une série ou une époque (c’est-à-dire une unité chronostratigraphique et son unité géochronologique correspondante), mais plutôt comme un événement. Cela serait similaire aux grands événements transformateurs de l’histoire de la Terre tels que la Grande Oxygénation (2,4-2,1 milliards d’années), l’explosion cambrienne, ou les grands événements de biodiversification ordovicienne. Aucun de ces événements majeurs n’est représenté comme des unités chronostratigraphiques, et il n’a donc pas été jugé nécessaire de ratifier formellement la création d’une nouvelle époque ‘Anthropocène’.
  • Bien que sa proposition ait été rejetée de manière décisive, l’AWG a rendu un service important à la communauté scientifique en rassemblant un grand nombre de données concernant les impacts humains sur les systèmes mondiaux, et cette base de données sera une source essentielle de référence dans le futur. « 

Selon les procédures de l’UIGS, lorsqu’une proposition pour une nouvelle unité stratigraphique (comme l’Anthropocène) est rejetée, elle ne peut pas être réexaminée avant une période de 10 ans, sauf si de nouvelles preuves significatives sont découvertes.

 

Conclusion

L’Anthropocène, bien qu’il n’ait pas été officiellement reconnu comme une nouvelle époque géologique, demeure un concept fédérateur essentiel pour décrire et comprendre l’étendue de l’impact humain sur la Terre et l’urgence de la crise écologique qui en découle. Il souligne l’importance d’une prise de conscience globale et d’une action collective pour gérer et protéger les systèmes naturels de la Terre, car l’humanité, en tant que force environnementale majeure, continuera d’influencer la planète pour les millénaires à venir, à moins d’une catastrophe mondiale.

Le terme « Anthropocène » reste ainsi un outil précieux pour sensibiliser à l’impact des activités humaines sur l’environnement et pour encourager des politiques et actions de gestion durable.

JD 06/24                                                             Retour haut de page