Les premières cartes géologiques du Bassin Parisien

Des cartes géographiques et minéralogiques aux cartes géologiques

 

1. Les cartes géographiques du BP

« Carte particulière des Environs de Paris » 1768 – François de La Pointe, graveur

La « Carte particulière des Environs de Paris » est le fruit d’une initiative de Colbert qui, en 1668, chargea l’Académie Royale des Sciences de réaliser des cartes de France plus précises que celles existantes.
Cette carte est la première application réalisée à partir d’une triangulation en France. Les premiers essais sont réalisés en Île-de-France. Sous la direction de deux académiciens, de l’Académie Royale des Sciences, Gilles Personne de Roberval et Jean-Félix Picard, l’ingénieur David du Vivier dirige les relevés.
Cette carte est basée sur les travaux géodésiques de Jean Picard, qui avait effectué des relevés dès 1669 pour mesurer un arc de méridien terrestre entre Malvoisine (78) et Sourdon-Amiens (80).
Ces relevés furent ensuite élargis pour inclure la région parisienne, permettant ainsi la création de cette carte d’une précision inédite. La carte s’étend de Mantes à la Ferté-sous-Jouarre et de Pont-Sainte-Maxence à Milly, à l’échelle de 1/86 400, et mesure 180 x 126 cm.

La carte ne comporte pas de limites administratives et ne représente pas les voies de communication. Villes, bourgs et villages, rivières et forêts sont signalées ; le relief est esquissé.

Réalisée par l’Académie Royale des Sciences en 1674 et gravée sur cuivre par François de La Pointe en 1678, cette carte, publiée en neuf planches entre 1671 et 1678, marque une avancée significative dans la cartographie française.
Préfigurant la célèbre carte du royaume de France élaborée par les quatre générations de la famille Cassini, cette oeuvre achevée en 1784, s’inscrit dans un contexte où Louis XIV attira en France Jean-Dominique Cassini, un astronome d’origine italienne, en 1671. La collaboration de Cassini avec l’Académie Royale renforça les fondements de la cartographie moderne.

 

 

2. Les cartes minéralogiques du BP

De même que certaines périodes de l’histoire de la Terre, telles que le Carbonifère et le Crétacé, ont été nommées en référence à des formations géologiques caractéristiques associées à des ressources naturelles exploitées par l’Homme (vastes dépôts de charbon pour le Carbonifère, dépôts de craie pour le Crétacé), la première carte géologique éditée en France fut en réalité une « carte minéralogique ». Conçue dans une logique d’exploitation des ressources naturelles, elle avait pour objectif principal de dresser un inventaire des réserves minières et coquillières du pays.

Sous l’impulsion de Jean-Étienne Guettard (1715-1786), naturaliste natif d’Étampes et assistant de Réaumur dès 1741, la cartographie géologique moderne prend naissance. Réaumur, fervent partisan d’une démarche empirique et d’enquêtes de terrain, convaincu que la science doit être utile à l’État et à la société, initie Guettard à l’étude du monde minéral et lui ouvre les portes de son vaste cabinet d’histoire naturelle. Ce cadre stimulant permet à Guettard de développer un travail novateur qui culmine, en 1746, avec la publication du « Mémoire et carte minéralogique où l’on voit la nature et la situation des terreins qui traversent la France et l’Angleterre ». Cette carte, œuvre pionnière pour son époque, est souvent considérée comme la première carte géologique jamais publiée et marque un jalon dans l’histoire des sciences.

Dès la fin du XVIIe siècle, quelques auteurs désireux d’établir un inventaire des gisements de roches, minerais et minéraux exploités (mines et carrières) proposaient de compléter les listes de localités par une localisation sur une carte.

Pour réaliser ce travail, Guettard a pu s’inspirer du projet de Martin Lister (1638-1712), qui exposa en Mars 1683 à la Royal Society de Londres l’idée d’une carte minéralogique de l’Angleterre qu’il désignait par l’expression de « Soil or Mineral Map » (carte du sol ou des minéraux). Ce projet intitulé « An ingenious proposal for a new sort of maps of countrys, together with tables of sand and clays » n’a pas abouti.
« Pour juger de la composition de la Terre et de beaucoup de phénomènes qui y appartiennent […] Il était conseillé, à cet effet, de concevoir une ‘carte du sol ou des minéraux’, comme je l’appelle. » Martin Lister

John Aubrey (1626-1697), reprit l’idée de Martin Lister en 1691. Dans son ouvrage « Natural History of Wiltshire », il formula le projet d’une carte de l’Angleterre sur laquelle les couleurs employées rappelleraient celles qu’on trouve sur Terre et qui serait pourvue de symboles (« markes ») désignant les fossiles et les minéraux.
« J’ai souvent souhaité une carte de l’Angleterre colorée selon les couleurs de la terre ; avec des marques des fossiles et des minéraux. [Les cartes géologiques, indiquant par différentes couleurs les formations de diverses localités, sont maintenant familières à l’étudiant scientifique.] » Ce projet n’a pas abouti.

La cartographie ‘minéralogique’ était cependant dans l’air du temps :
Le Révérend Père Lubin (1624-1695) augustin et géographe du roi, auteur d’un « Guide du Curieux des Cartes Geographiques » (1678) écrivait :
« Je m’étonne de ce que cette même paffion n’a point encore fait naî tre la penſée de dreffer des Cartes fingulieres, où toutes les Mines, tant des metaux que des mineraux feroient marquées avec un mot ou une note, qui feroit connoître de quel metal ou de quel mineral eft la mine ; ces Cartes feroient prodigieufement utiles. »

M. de Fontenelle (1657-1757), secrétaire de l’Académie Royale des Sciences termine son compte rendu de la communication de M. de Réaumur sur les fossiles de Touraine (1720) par ses mots :
« Monsieur de Réaumur imagine comment le Golfe de Touraine tenait à l’Océan et quel était le Courant qui y charriait les Coquilles, mais ce n’est qu’une simple conjecture donnée pour tenir lieu de véritable fait inconnu, qui sera toujours quelque chose d’approchant. Pour parler sûrement sur cette affaire, il faudrait avoir des espèces de Cartes Géographiques dressées selon toutes les Minières de Coquillages enfouies en terre. Quelle quantité d’observations ne faudrait-il pas et quel temps pour les avoir ! Qui sait cependant si les Sciences n’iront pas un jour jusque-là, du moins en partie !« 

Une autre source d’inspiration a pu être le travail de Luigi Ferdinando Marsigli (1658-1730), soldat, naturaliste, géographe italien. À la suite du traité de 1699 entre l’Autriche et l’Empire ottoman, Marsili a été chargé de cartographier la frontière entre la Hongrie et les Ottomans. Ce faisant, il a recueilli de nombreuses informations sur la topographie, la zoologie et la géologie de la région, et plus particulièrement du bassin du Danube. En 1726, Luigi Ferdinando Marsigli publie ses travaux sur l’histoire naturelle du Danube dans son ouvrage  » Danubius Pannonico-Mysicus «  Sur une carte « mappa mineralographica » sont localisés les gisements miniers représentés par 14 symboles indiquant leur nature minéralogique.

Lors de la présentation de son mémoire devant l’Académie royale des sciences, le 19 février 1749, Guettard précise sa pensée : « Je me suis proposé de faire voir par cette carte qu’il y a une certaine régularité dans la distribution qui a été faite des pierres, des métaux et de la plupart des autres fossiles. » Elle illustre un mémoire présenté devant l’Académie royales des sciences, le 19 février 1749. Son auteur reconnaît trois « bandes » concentriques qui diffèrent par la nature de leurs terrains et qui, par leur disposition, préfigurent les auréoles sédimentaires du Bassin de Paris
La grande nouveauté de cette publication réside dans la mise en évidence de la continuité des couches géologiques de part et d’autre de la Manche, un concept d’uniformité minéralogique peu exploré à l’époque. Cependant, dès les années 1750, Philippe Buache (1700-1773), l’un des premiers géographes français, et Nicolas Desmarest (1725-1815), géologue et géographe, avaient déjà avancé certaines preuves de la jonction ancienne entre l’Angleterre et la France.

‘Carte minéralogique où l’on voit la nature et la situation des terreins qui traversent la France et l’Angleterre’ par Jean-Etienne Guettard (1746) – Gallica BNF

De fait, Guettard représente trois « bandes » géologiques concentriques correspondant à des terrains distincts :
• Les terrains ‘sablonneux’ (intérieur de la zone grisée), correspondant globalement au Cénozoïque ;
• Les terrains ‘marneux’ (zone grisée), correspondant au Mésozoïque ;
• Les terrains ‘schiteux’ (à l’extérieur de la zone grisée), plus anciens, correspondant majoritairement au Paléozoïque. On dit maintenant ‘schisteux’.
« (les terrains) qui joignent une grande partie du bassin de Paris aux régions du Kent, du Middlesex et du Norfolk en Angleterre, par-delà la Manche et le Pas-de-Calais ».
Ces trois « bandes » concentriques préfigurent les auréoles sédimentaires du Bassin de Paris. (le bassin anglo-parisien et son pourtour hercynien).

Deux cartes sont proposées par Guettard l’une, du nord de l’Auvergne au nord de la ‘province moyenne’ de l’Angleterre, l’autre, plus générale, allant de la Méditerranée à l’Islande. En plus des indications précédentes, la carte se distingue par l’ajout d’un semis de 36 ou 51 symboles minéralogiques permettant de localiser les mines, carrières, fours à chaux, briqueteries et autres structures industrielles. Certains de ces symboles s’inspirent directement de ceux utilisés par Luigi Ferdinando Marsigli dans sa ‘Mappa Mineralographica’.
Enfin, cette carte marque une innovation notable par son approche pluridisciplinaire : elle associe sur un même support la cartographie, la géographie, la minéralogie et, dans une certaine mesure, la chimie.

 

En 1753, Guettard publie également une « Carte minéralogique de l’Élection d’Étampes relative à un mémoire de M. Guettard », poursuivant ainsi ses travaux sur la géologie régionale et renforçant son rôle de pionnier dans l’établissement des bases de la géologie cartographique moderne.

‘Carte minéralogique de l’Élection d’Étampes relative à un mémoire de M. Guettard’ – 1753

En fait il s’agit du « Mémoire sur les Poudingues » (1753). Guettard y présente ses travaux sur les couches inférieures du Stampien.

Elle s’inscrit dans une période où l’approche empirique et naturaliste commence à structurer les travaux scientifiques sur le territoire français. Elle constitue l’une des premières tentatives en France de représenter les ressources minérales d’une région avec une précision relative.

Contrairement aux cartes géographiques classiques, qui se limitaient à décrire la topographie ou les infrastructures, la carte de Guettard vise à identifier et à localiser les matériaux présents dans le sous-sol de l’Élection d’Étampes (une subdivision administrative de l’époque).

Jean-Étienne Guettard a personnellement collecté les données sur le terrain et utilisé ses observations pour dresser cette carte. en s’appuyant sur des observations minutieuses des affleurements, des gisements de pierres, des mines et des carrières. Son objectif dépasse le simple repérage des mines, carrières, fours à chaux ou briqueteries : il cherche à représenter les différents types de terrains en fonction de leurs caractéristiques lithologiques. 

Bien que la carte ne distingue pas encore les terrains par leur âge ou leur véritable succession stratigraphique, elle préfigure les approches géologiques modernes. 

En se concentrant sur une région spécifique, elle présente un aspect très localisé, mais elle ouvre la voie à des cartes de plus grande envergure, notamment l’Atlas minéralogique de France, que Guettard va entreprendre quelques années plus tard.

Ce travail pionnier illustre la transition entre la minéralogie descriptive et les débuts de la géologie comme discipline systématique, marquant une avancée décisive dans la représentation scientifique du sous-sol.

 

L’année suivante, dans son ‘Mémoire sur les Stalactites‘ (1754), il analyse les couches supérieures. En effet, à cette époque, Jean-Étienne Guettard s’interroge sur la nature des affleurements du Stampien dans les environs d’Étampes, ville qu’il connaît bien pour y être né. Son questionnement porte sur leur configuration : s’agit-il de simples gisements superficiels ou de bancs se prolongeant en profondeur à l’intérieur du sol ?

Vers le début des années 1760, Guettard entreprend un projet ambitieux : la réalisation d’un Atlas minéralogique de la France. Il répond ainsi à une commande de l’Administration : « établir un tableau général des productions minéralogiques de la France », « un atlas détaillé de toute la France dans lequel on représenterait par des signes minéralogiques les carrières, les fouilles, les mines, les fontaines minérales, les matières de toute espèce que la terre renferme dans son sein » Prévu pour comporter 214 planches, seules 45 furent finalement publiées. Parmi celles-ci, les planches concernant la région parisienne, gravées dès 1767, sont particulièrement notables. La feuille n°55, intitulée Carte minéralogique des environs de Fontainebleau, Estampes, et Dourdan, se distingue par sa richesse.

Carte minéralogique des environs de Fontainebleau, Estampes, et Dourdan – feuille n°55

En 1763, Guettard bénéficie de l’assistance d’un jeune scientifique, Antoine-Laurent de Lavoisier (1743-1794), futur grand chimiste tragiquement guillotiné en 1794. Bien que la « Carte minéralogique des environs de Fontainebleau, Estampes, et Dourdan«  de 1767 reprenne en grande partie les données déjà présentes dans la Carte minéralogique de l’Élection d’Étampes issue du mémoire de Guettard de 1753, Lavoisier y introduit une innovation majeure : les coupes lithostratigraphiques figurant dans les marges latérales de la feuille n°55.

Les coupes lithostratigraphiques de la « Carte minéralogique des environs de Fontainebleau, Estampes, et Dourdan » Guettard et Lavoisier – 1767

Carte minéralogique des environs de Paris – Guettard et Lavoisier regravée par Monnet 1780 

Dans ses mémoires sur les poudingues (1753) et les stalactites (1754), Guettard avait exposé l’agencement des couches géologiques sous forme de descriptions textuelles. Lavoisier eut le mérite de transformer ces données en une représentation graphique, donnant naissance aux premières coupes géologiques. Il explique que ce procédé permet « de connaître en même temps les substances qui se présentent dans une province à la surface de la terre et celles qui se rencontrent à différentes profondeurs ».
Ces cartes sont plus précises que les précédentes dans la représentation des contours des montagnes et des coteaux ainsi que dans le positionnement des carrières et des fouilles. Toujours convaincu que la science doit avoir un rôle utilitaire, Guettard justifie ainsi l’objectif de son Atlas « (…) On verra, au premier coup-d’œil, si un canton renferme des glaises, des sables, de la marne, de craie, des pierres à chaux, ou des pierres propres à bâtir ; on verra s’il contient des mines, & quelles sont ces mines, s’il en renferme (…) ». Les coupes de Lavoisier, placées en marge de chaque feuille de l’Atlas avait pour ambition d’indiquer « à quelle profondeur est placée la substance dont on a besoin « .
Cette notion de succession stratigraphique sera reprise par Lavoisier dans son mémoire présenté le 17 décembre 1788 devant l’Académie royale des sciences, intitulé « Sur les couches horizontales, qui ont été déposées par la mer, et sur les conséquences qu’on peut tirer de leurs dispositions, relativement à l’ancienneté du globe terrestre ». Lavoisier y propose l’une des premières descriptions du cycle sédimentaire des transgressions et régressions marines, tout en renforçant l’idée d’un temps long pour l’histoire de la Terre.

 

3. Des cartes minéralogiques aux cartes géologiques

3-1 La Carte géognostique des environs de Paris de Cuvier et Brongniart (1810-1811)

La Carte géognostique* des environs de Paris, réalisée par Georges Cuvier et Alexandre Brongniart, marque une avancée majeure dans l’histoire de la cartographie géologique. Elle repose sur un fond géographique détaillé et coloré, établi à partir des cartes de Cassini, et témoigne du passage des simples cartes minéralogiques aux premières représentations scientifiques des structures géologiques. Publiée en 1811, cette carte introduit de nouveaux principes et outils pour l’étude des terrains géologiques.

*Le terme « Géognosie » a été défini par Abraham Gottlob Werner en 1776 pour désigner la « science qui étudie la répartition naturelle des minéraux dans tous les types de roches, les relations entre ces roches, leur répartition géographique »

« La Carte géognostique des environs de Paris » (1811) – Georges Cuvier et Alexandre Brongniart »

Principaux apports :

1. Une transition vers la cartographie géologique moderne
– Contrairement aux cartes antérieures, qui se limitaient à localiser les mines, carrières ou autres ressources minérales, cette carte cherche à délimiter les terrains géologiques et les strates selon leur nature et leur organisation.
– Elle marque le début d’une approche géognostique qui analyse la composition et la structure des terrains plutôt que leurs seules ressources.

2. Une stratigraphie détaillée et fondatrice
– Cuvier et Brongniart établissent une stratigraphie détaillée du Bassin parisien, démontrant une organisation régulière et ordonnée des couches géologiques.
– Ils utilisent pour la première fois les fossiles comme outils de datation et de corrélation des couches, posant les bases de la biostratigraphie. Ce principe montre que certaines espèces fossiles sont caractéristiques d’une période géologique donnée.
– En figurant les unités lithologiques mais également les unités chronologiques, ce travail conforte l’idée que les couches géologiques sont des archives chronologiques de l’histoire de la Terre

3. Une distinction claire des terrains géologiques
– La carte différencie avec précision, en 7 couleurs principales, les terrains d’âges variés, notamment les formations cénozoïques (comme l’Éocène et l’Oligocène), qui étaient jusqu’alors mal comprises.
– Elle met en évidence les limites géographiques des formations et leur étendue, offrant une vision cohérente et régionale des géologies du Bassin parisien.

4. L’utilisation des fossiles pour reconstruire les environnements anciens
– Les fossiles présents dans les couches ont permis d’interpréter des environnements anciens variés : mers peu profondes, lagunes, ou zones continentales.
– La carte a également confirmé des phénomènes de transgressions et régressions marines, prouvant que le Bassin parisien avait été successivement envahi par la mer.

5. Innovations techniques et contenu :
• La carte regroupe pour la première fois les terrains en formations et distingue les terrains marins des terrains d’eau douce.
• Elle associe la représentation géologique à une analyse environnementale basée sur les renouvellements successifs de faunes fossiles, amorçant le passage de la lithostratigraphie à la biostratigraphie.

6. La légende de la carte :
La carte ne classe pas les terrains par leur âge stratigraphique, mais selon leur nature lithologique. Voici la légende complète avec les graphies d’époque :
• Craie (rose)
• Argile plastique (beige rosé)
• Calcaire grossier ou à cérites (beige moyen)
• Calcaire siliceux (gris)
• Gypse (bleu)
• Marnes marines du Gypse (beige clair)
• Meulière, Grès et Sable sans coquilles (rose vif)
• Meulières exploitées (rose vif hachuré)
• Terrein d’eau douce (gris-bleu)
• Limon d’atterrissement, Meuble Tenu ou tourbeux (marron clair)
• Cailloux roulés (marron avec éléments figurés)

 

Cette carte constitue une avancée majeure dans la cartographie géologique, non seulement pour le Bassin parisien, mais également pour l’établissement des principes fondamentaux qui guideront la géologie moderne.

 

3-2.  « Esquisse d’une Carte Géologique du Bassin de Paris et de quelques contrées voisines » par D’Omalius  d’Halloy

Après avoir parcouru plusieurs milliers de kilomètres à travers la France, le géologue belge Julien d’Omalius d’Halloy (1783-1875) publie, le 16 août 1813, un mémoire destiné à accompagner et expliquer la carte géologique qu’il fera paraître quelques années plus tard.

Dans ce mémoire, il présente la structure générale du Bassin parisien et introduit plusieurs avancées majeures dans la compréhension géologique de la région :

  • Amélioration de la classification des terrains tertiaires initialement proposée par Alexandre Brongniart.
  • Établissement de divisions précises au sein du terrain crétacé, lesquelles restent en grande partie utilisées aujourd’hui.
  • Identification de la « boutonnière » jurassique du pays de Bray, une structure géologique singulière et complexe.
  • Description de la stratification transgressive des couches tertiaires sur le substrat crétacé, contribuant à mieux comprendre les relations entre ces grandes périodes géologiques.

D’Omalius d’Halloy démontre également que le calcaire jurassique, qu’il désigne comme « ancien calcaire horizontal », est antérieur à la craie. Il appuie cette conclusion non seulement sur des observations stratigraphiques, mais aussi sur l’analyse des fossiles, révélant des différences significatives entre les faunes associées à ces terrains.

Voici comment un des maîtres de la Science apprécie ce mémoire :
« … M. d’Omalius a apporté deux modifications fort importantes aux vues de Cuvier et de Brongniart : 1° en démontrant que leur calcaire siliceux était superposé au calcaire grossier et non placé bout à bout comme ils le disaient ; 2° en prouvant que les grès coquilliers et non coquilliers supérieurs ne formaient qu’un seul dépôt marin. En outre, il a beaucoup étendu les horizons déjà tracés, et il a saisi avec une rare justesse de coup d’œil cette disposition générale si remarquable des dépôts tertiaires du Nord de la France, que personne n’avait comprise auparavant, et qui ne pouvait l’être qu’en procédant, comme l’a fait M. d’Omalius, des bords ou des limites extérieures du bassin vers son centre. » (d’Archiac)

Ce travail représente une avancée significative dans la cartographie géologique et marque un tournant par rapport aux approches purement descriptives ou minéralogiques antérieures.

Principaux apports de la carte :

  • Zone géographique étendue : La carte couvre non seulement le Bassin parisien, mais également les régions voisines, offrant une vision cohérente des grandes unités géologiques.
  • Transition vers une stratigraphie moderne : Contrairement aux descriptions purement minéralogiques de Guettard et Monnet, cette carte adopte une approche stratigraphique. D’Omalius démontrr que le calcaire jurassique est antérieur à la craie, en s’appuyant sur des preuves fossiles et stratigraphiques.
  • Abandon des aspects purement minéralogiques : La carte se concentre exclusivement sur les grandes formations géologiques, sans mentionner les ressources spécifiques comme les mines ou les carrières.
  • Choix des couleurs guidé par l’apparence naturelle des roches, comme le bleu pour les falaises calcaires :
    • Rose rougeâtre pour le socle hercynien (« terrains primitifs »)
    • Bleu pour les calcaires jurassiques (« Ancien Calcaire horizontal »)
    • Vert pour la « vieille craie »
    • Jaune pâle pour la « craie ordinaire »
    • Orange pour les terrains cénozoïques du bassin parisien (« Terrain des environs de Paris »)

 

 

La carte de D’Omalius d’Halloy est plus qu’une simple esquisse : elle constitue une avancée significative dans la cartographie géologique en ce qu’elle intègre pour la première fois des concepts stratigraphiques, lithologiques et paléontologiques sur une vaste région ouvrant la voie à de futures études plus systématiques du bassin parisien. 

 

La carte géologique du Bassin de Paris la plus récente est éditée en 2014 par l’AGBP à l’occasion de son 50 -ème anniversaire.

 
 
Bibliographie
  • Frédéric Jarrousse, Un naturaliste du XVIIIe siècle : l’académicien des sciences Jean-Etienne Guettard (1715-1786)
  • François ELLENBERGER LES PREMIERES CARTES GEOLOGIQUES EN FRANCE : PROJETS ET REALISATIONS COMITÉ FRANÇAIS D’HISTOIRE DE LA GÉOLOGIE (COFRHIGEO) (Séance du 24 mars 1982)
  • Isabelle Laboulais Inventorier et cartographier les ressources minérales en France des années 1740 aux années 1830
  • https://histoire-nanterre.org/cartotheque-de-la-societe-dhistoire-de-nanterre/#cart01

 

JD – Déc 24