L’homme mexica et le coquillage

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Le 8 septembre dernier marquait la clôture de la magnifique exposition « Mexica », organisée par le Musée du Quai Branly à Paris. Les Mexicas, souvent appelés à tort Aztèques, étaient les derniers dirigeants du Mexique précolombien. Ils ont subi l’arrivée de Hernan Cortes et de ses soudards espagnols, qui ont rapidement renversé cet état puissant et pillé ses trésors.

Présentant les objets découverts lors des fouilles du Templo Mayor, l’exposition rendait un hommage fascinant à cette riche culture, bien que ses mœurs puissent sembler choquantes et cruelles. Leur pratique des sacrifices humains n’était pas une légende.

Les premières salles étaient consacrées à diverses sculptures, représentant des dieux grimaçants et des animaux bondissants. Ce que l’on attend d’une culture précolombienne, mais toujours impressionnant.

La troisième salle, également dédiée à la sculpture mexica, m’a réservé une surprise de taille : un énorme coquillage marin sculpté dans un bloc de basalte ! Quand je dis énorme, je veux dire vraiment énorme, sa longueur devant avoisiner le mètre.

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Les campaniles géants et les rondouillardes Gisortia de notre Lutétien peuvent aller se rhabiller. En tournant autour, j’étais fasciné par la bête. J’ai essayé d’imaginer son poids. La science nous dit que la masse volumique du basalte est de l’ordre de 2,70 g/cm³. Dit comme ça, cela paraît modeste. Si l’on envisage ce mastodonte sous la forme d’un cylindre de 1 m de long par 70 cm de diamètre, on obtient un volume de 385 000 cm³, soit… 1 tonne !

Il représente un Strombidae sans aucun doute. Même s’il est très stylisé, il est probable que ce soit un Titanostrombus galeatus (Swainson, 1823), susceptible d’être pêché sur la côte est du Mexique. Les lignes de dos notamment sont particulières et très peu d’espèces présentent une telle régularité. 

Le sculpteur a cependant commis un certain nombre d’erreurs comme la lèvre beaucoup moins linéaire. Le canal est aussi beaucoup trop symétrique. Il est probable que l’artisan n’avait pas le modèle sous les yeux et qu’il a sans doute travaillé de mémoire pour immortaliser ce coquillage.

Le cartel nous donne peu d’informations à son sujet : « Sculpture en forme d’escargot » [sic, les archéologues ne sont pas des naturalistes !], si ce n’est qu’elle a été retrouvée à Mexico, lors des fouilles des vestiges du Templo Mayor, et qu’elle est datée entre 1325 et 1521. D’autres cartels nous apprennent que le coquillage représente l’inframonde dans l’iconographie mexica, le monde souterrain, sombre, humide et mystérieux.

Plus loin, une salle est consacrée aux dépôts votifs, aux offrandes placées à des endroits précis des constructions pour s’attirer les bonnes grâces des divinités les plus capricieuses. Là encore, les coquillages marins sont très présents, bien que sous la forme plus modeste de coquilles réelles.

Une coquille de Chama equinata, peu spectaculaire, posée à côté d’un élégant bol tripode en terre cuite, protégeait une canalisation d’eau.

 

 

Provenant des fondations d’un autre bâtiment, une autre vitrine expose quatre beaux gastéropodes marins. Le cartel indique « escargot » et « bigorneaux ». Là, on frôle le ridicule, heureusement des noms d’espèces sont proposés en petit. Les coquilles sont cette fois accompagnées de deux oursins et d’un fragment de corail. On sent bien que l’importance de la construction n’était pas la même !

D’autres vitrines présentent des dépôts similaires, exposant d’autres gastéropodes marins, accompagnés des restes d’autres organismes, boules de corail, carapaces de crustacés. Parfois, des coquillages en terre cuite sont adjoints aux coquilles réelles.

Rappelons ici que Mexico City est située à au moins 300 km à vol d’oiseau de la mer la plus proche, et à 2 200 m d’altitude. La présence de ces coquillages marins, aussi loin des côtes, utilisés dans l’iconographie et la religion mexica, n’est pas anodine. Elle illustre encore une fois notre fascination transculturelle pour ces merveilles de la nature.

Merci à Bernard Pattedoie pour l’analyse du Strombidae sculpté.

Xavier, juin 2025 

Eastern Pacific Giant Conch Shell