Une « invention » exceptionnelle du club Géologique de la Poste et de France Télécom.
Souche in situ éclairée par le soleil couchant
Courant mai 1985, deux adhérents du Club Géologique de La Poste et de France Télécom (à l’époque Club Géologique des PTT), François FORT (fils du célèbre Paul Fort, Prince des Poètes « Si tous les gens du monde voulaient s’donner la main… »), et son inséparable compère Jean GARDES, tous deux retraités, l’un de Montlhéry, l’autre de Linas localité voisine, firent à l’occasion de leurs promenades quotidiennes une découverte (on dit « une invention ») exceptionnelle.
Crapahutant sur le site de la carrière CHEZE de Villejust à Saulx-les-Chartreux, ils observèrent que le sol était jonché de petits bouts de bois minéralisés, et en progressant sur le front de l’exploitation, ils constatèrent qu’au-delà d’un certain niveau, ces bouts de bois n’apparaissaient plus.
Bizarre ! se dirent-ils, pourquoi en aval, et plus rien en amont ?
Leur curiosité fût vite récompensée, car en déblayant le sable, ils mirent à jour un bloc de bois minéralisé par du quartz d’une dimension impressionnante.
Le Muséum d’Histoire Naturelle avec lequel le Club entretient des relations très étroites fût immédiatement alerté aux fins d’identification de la pièce.
De fait, il s’agissait d’un témoin de la dernière transgression marine [1] sur le Bassin Parisien à l’époque du Stampien [2] : une souche en place, c’est à dire en position de vie, d’où son intérêt scientifique majeur, proche de Taxodium distichum (Cyprès Chauve) (extrait du site de l’association « Regards en arrière » de Villejust), espèce tropicale du bord de mer, dont le plus grand diamètre avoisinait 2,50 m, d’une hauteur de 1,30 m, et d’un poids estimé à 5 tonnes, datant de 35 MA. La hauteur de l’arbre devait être de l’ordre de 30 à 40 m. A l’heure actuelle, cette souche est plus clairement attribuée à la famille des Cupressaceae qui comprend les cyprès, les séquoias, les cryptomères….
L’arbre appartenait à une forêt marécageuse proche de la mer qui recouvrait alors le Bassin parisien. La souche qui se trouvait à la base des sables de Fontainebleau fut enfouie par les sables dunaires qui ont suivi le retrait de la mer.
Une fois extraite, le propriétaire de la Carrière CHEZE, en fit don au Muséum d’Histoire Naturelle. Cette souche sera dégagée, déplacée et installée dans le Jardin des Plantes à Paris à l’aplomb de la Galerie de « Botanique, Géologie » du MNHN où l’on peut toujours la voir. Malheureusement avec le temps, exposée aux intempéries, cette souche a perdu sa chaude couleur ocre/ambrée originelle, juste après son dégagement (voir supra). Elle revêt maintenant une teinte grisâtre qui affaiblit son impact visuel.
La souche découverte par le club, devant la galerie de « Botanique, Géologie » du MNHN
Au cours des années suivantes, sur les 2 ha de ce site, c’est tout un paléosol de plus d’une centaine de souches silicifiées, datant du Stampien supérieur (- 30 MA) et provenant d’arbres sans doute abattus par une tempête, qui est mis à jour, au niveau du plancher des sables blancs de Fontainebleau. L’un des traits majeurs est que l’on peut distinguer les cernes de croissance du bois, ce qui permet de dater l’âge de chacun de ces arbres, et de reconstituer l’histoire climatique de la période durant laquelle ils vivaient.
L’exploitation de la carrière est abandonnée au début des années 1990 et le site, classé réserve naturelle – non mise en valeur à l’heure actuelle – est géré par l’association Essonne Nature Environnement.
Compte tenu de leur importance majeure, ces découvertes ont été prises en charge par la « Réserve Naturelle des Sites Géologiques de l’Essonne » qui regroupe plusieurs sites d’affleurements, véritable patrimoine naturel historique et scientifique d’intérêt mondial.
Sans forfanterie, « l’invention » de ce site paléontologique exceptionnel qui a permis aux paléontologistes de progresser dans la voie de la connaissance, honore le Club Géologique, et partant le mouvement associatif de la Poste et de France Télécom.
[1]↩ Transgression marine : mouvement de la mer qui déborde sur les aires continentales avoisinantes. Voir aussi transgression/régression marine
[2]↩ Le Stampien, qui tire son nom de la ville d’Etampes, est une période de l’histoire de la Terre qui se situe entre la fin du Crétacé (disparition des dinosaures) et notre époque. On y trouve des coquilles marines qui prouvent que l’ensemble du bassin parisien a été envahi par la mer, et cette population de coquilles constitue un étalon (stratotype) qui permet de savoir ce qui se passait à ces époques lointaines de l’histoire de la Terre. Comme le mètre étalon est conservé dans un Musée, les stratotypes doivent être conservés dans les carrières afin que les générations futures puissent enrichir les connaissances déjà acquises.
Jacques Géraud, Président de la Région Ile de France du Club Géologique de la Poste et de France Télécom.
Ci-après, 2 articles parus dans la presse (origine inconnue) relatant la découverte par le club de la souche de cyprès chauve :
Deux courriers dans lesquels D. Péraud, responsable de la collection de Paléontologie de l’Univ. Paris VII, évoque la recherche d’un emplacement pour exposer la souche : ici
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