GRIGNON, UNE PLAGE TROPICALE…
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"Dans leur fondamentale 'Description géologique des environs de Paris'[1822], Cuvier et Brongniart ont un long chapitre sur le gisement de Grignon, et depuis eux toutes les personnes qui s'occupent de géologie ou de paléontologie ont été, au moins une fois, faire un pèlerinage à cette espèce de terre sainte de la Science."
Stanislas Meunier – extrait de l’article « La falunière de Grignon » paru dans le n° 1292 du 5 mars 1898 de la Revue « La nature ».
A l’approche des anciens rivages, notamment à Grignon, les bancs calcaires qui recouvrent le Bassin Parisien font place à un faciès non consolidé constitué de sables coquilliers ou faluns. Ces faluns sont des roches sédimentaires formées d’amas de coquilles.
« Si quelques petits fragments de coquilles mêlées à la terre marneuse, étaient réellement des coquilles de mer, il faudrait avouer qu’elles sont dans cette falunière depuis des temps reculés qui épouvantent l’imagination » –
Voltaire, Dict. phil. Coquilles.
Une série de fossiles, comprenant des spécimens tels que Lepidochitona grignonensis décrite par Lamarck en 1804, Diplodonta grignonensis par Deshayes en 1858, Trapezium grignonensis et Cirsochilus grignonensis par Deshayes en 1863, Triphora grignonensis par Deshayes en 1865, Amaea grignonensis par De Boury en 1888, Tripia inflexa grignonensis par Cossmann en 1889… portent des noms d’espèces en référence au site de leur découverte. Ce phénomène témoigne de l’importance attribuée par les scientifiques à la falunière de Grignon.
La falunière de Grignon – carte postale ancienne
Les travaux de nombreux chercheurs scientifiques ont permis d’étudier ces différentes espèces et ont couvert une période étendue, dont l’exploration se poursuit encore aujourd’hui.
SOMMAIRE ** Evocations de Grignon dans le passé ** Accidents mortels dans la falunière ** D'innombrables témoins ** Une faune marine exceptionnelle ** L'intérêt géologique de Grignon ** Environnement géologique et coupes du site ** Composition du terrain et fossiles caractéristiques
Evocations de Grignon dans le passé
En effet la falunière de Grignon est mondialement connue depuis le milieu du XVIIIème siècle. Jacques-Tranquillain Féret, apothicaire installé à Dieppe et naturaliste, connu pour son Cabinet de Curiosités, écrivit le 5 mars 1753 au Comte de Tressan, mentionnant son exploration des fossiles à Grignon accompagné de collègues éminents :
Je ne vous ai point envoyé des fossiles de Courtagnon, de Villarseau, de la Garenne des Boves, de Chaumont, de Magny et de Grignon qui sont à peu près les mêmes que ceux de Champagne ; les ayant examinés sur les lieux au mois de septembre, accompagné de M. Bernard de Jussieu et Rouelle qui m'avaient assigné rendez-vous à Magny, où je me trouvai très exactement pendant le mois de juillet dernier que j'ai passé à Paris, j'ai (?) à Grignon - 2 lieux au delà de Versailles - pour y examiner les fossiles qui s'y trouvent en grand nombre…
Fac-similé de la lettre au comte de Tressan.
Dans son ouvrage « L’Oryctologie« paru en 1755 Antoine Joseph Dezallier d’Argenville, naturaliste, collaborateur de l’Encyclopédie, grand amateur de Cabinets de Curiosités, évoque les fossiles abondants et variés trouvés dans les environs de Grignon, tels que les buccins, les vis, les cames, et autres coquilles :
Les environs de Verſailles offrent aux Curieux un bois pétrifié, où d'aſſez gros buccins ſe ſont incruſtés ; la terre de Grignon près de la même ville, a des ſablonnieres en maſſe & fort élevées, toutes remplies de foſſiles de différens genres, ils ſont petits & tout blancs. On y trouve principalement des rochers, des buccins, des vis, des cames, des limaçons à bouche applatie, tels que l'éperon, des tellines, des tonnes, comme la harpe, la porcelaine, le bonnet chinois ou cabuchon, des poulettes & des boucardes.[1]
En 1759 J.E Guettard signale, dans son mémoire à l’Académie des Sciences « Sur les accidents des Coquilles fossiles, comparés à ceux qui arrivent aux Coquilles qu’on trouve maintenant dans la Mer« , la présence de coquilles fossiles à Grignon, mentionnant également d’autres sites comme Courtagnon et Chaumont en Vexin :
Depuis la compoſition de ce Mémoire, j'ai vu une fripière [Xenophora] qui étoit dans ce cas : elle étoit chargée de morceaux fruſtes [frustes] de différentes cames , & de buccins qui avoient été considérables par la grandeur : j'en ai vu une autre où les coquilles étoient mêlées avec des cailloux. Puis page 49 : On trouve de ces coquilles nues où chargées de corps étrangers à Courtagnon, à Grignon & à Chaumont en Vexin…Note (a) page 47
En 1771, Car von Linnaeus dans « Mantissa Plantarum altera generum editionis VI et specierum editionis II » décrit et nomme Cardium lithocardium, bivalve à l’état fossile (inter petrificata) abondant dans les environs de Grignon. Le spécimen décrit provient-il de Grignon ?
En 1801, J.B. Lamarck évoque également les coquilles de Grignon dans son ouvrage « Système des animaux sans vertèbres » :
En France, les coquilles fossiles de Courtagnon près de Reims, de Grignon près Versailles, de la ci-devant Touraine, &c. sont presque toutes encore dans cet état calcaire, avec la privation plus ou moins complète de leur partie animale, c'est-à-dire de leur luisant, leurs couleurs propres et leur nacre.
Et en 1802 J.B. Lamarck écrit dans « Mémoire sur les fossiles des environs de Paris » :
Dans le canton de Grignon, petite commune à environ sept lieues (près de trois myriamètres) de Paris, du côté de Versailles, le citoyen Defrance, amateur éclairé de cette partie de la nature, et infatigable dans la recherche de ses productions, a recueilli au moins cinq cents espèces de coquilles fossiles, dont plus des trois quarts n'ont encore été décrites dans aucun ouvrage d'histoire naturelle. Les professeurs du Muséum voulant favoriser le zèle du citoyen Defrance, et contribuer à fixer la connoissance de tant d'objets intéressans en attendant qu'une description suffisante en soit donnée au public, ont consenti à faire peindre dans la collection précieuse des vélins du Muséum toutes les espèces de coquillages fossiles recueillis à Grignon. Cette belle entreprise, exécutée avec les plus grands soins par deux artistes très distingués, les citoyens Maréchal et Oudinot, est maintenant fort avancée.
Il s’agit là du naturaliste Jacques Louis Marin Defrance [1758-1850] dont plus de 300 spécimens de sa collection de fossiles de Grignon (il résidait dans les environs) sont représentés sur les 52 Vélins (voir Vélin n°2) que Lamarck fit réaliser. Ces illustrations originales servirent à son « Mémoire sur les fossiles des environs de Paris » publié en 1802 et dans le “Recueil de planches des Coquilles fossiles des environs de Paris” publié en 1823.
En 1805, J.M. Coupé (1737-1809) publie dans le « Journal de physique, de chimie, d’histoire naturelle et des arts » un article « Sur les sols des environs de Paris » :
Grignon est situé sur un ruisseau [Ru de Gally, ndlr] qui vient du parc de Versailles et va se jeter dans la Seine entre Mante et Meulan. Pendant la longueur des siècles les eaux, dont ce ruisseau est le passage, ont excavé ce canal jusqu'à la craie.A une lieue au midi, un autre ruisseau [Ru Maldroit, ndlr], coulant parallèlement vers la même embouchure, a excavé de même, et a mis aussi la craie marine à découvert. Il est resté en éminence entre eux une langue, un dos alongé et isolé de la déposition du pilé marin. C'est dans sa région inférieure que se trouve le célèbre dépôt des coquillages de Grignon. C'est un massif de débris coquilliers versé confusément, solidaire, sans lits et simplement tassé. Ce pilé est blanc, net et parfaitement lavé ; des coquillages de toute espèce également blancs et purs y sont entremêlés en désordre, et dans tous les sens. Tous sont parfaitement conservés dans leur substance.
En 1809, Barthélemy Faujas de Saint Fond (1741-1819) décrit dans son ‘Essai de Géologie’ des fossiles de Grignon d’une parfaite conservation malgré leur fragilité : « en fig. 2 et 3 Murex tripteris, Linn. Fossile de Grignon, de la plus parfaite conservation, malgré la délicatesse et la fragilité des ailes et des appendices placés vers la bouche gravée sur ses deux faces et de grandeur naturelle. L’analogue est dans l’Océan atlantique et dans les mers de l’Inde. Cette coquille est chère lorsqu’elle est d’une belle conservation. »
La falunière a servi de base à de nombreux travaux scientifiques et a permis d’élaborer ou de vérifier certaines hypothèses. Ainsi Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) et Georges Cuvier (1769-1832), tous deux professeurs au Collège de France à la même époque, y ont trouvé matière à formuler leurs théories opposées de l’évolution. Le premier affirme que la fonction crée l’organe, tandis que le second défend l’idée que l’évolution résulte du catastrophisme.
La première coupe stratigraphique du site est établie en 1810 par Cuvier et Brongniart. Stanislas Meunier dresse un plan géologique du parc de Grignon, reproduit en 1910 par P.H. Fritel dans son « Guide géologique de la région parisienne« .
Des photographies anciennes témoignent de l’activité des « coquillards », travailleurs spécialisés dans l’extraction du falun, vêtus de blouses et à l’œuvre sur le front de taille de la falunière, alors située à l’emplacement actuel du manège hippique. Les termes faluns et falunière sont apparus vers les années 1720.
Les faluns présents sous la couche de terre arable en certains endroits du domaine de Grignon sont des roches sédimentaires constituées d’amas de coquilles marines fossilisées. A l’instar des faluns de Touraine, ils ont été utilisés comme amendement agricole en raison de leur haute teneur en calcium (carbonate de chaux) et en oligo-éléments bénéfiques pour la croissance des plantes. En plus d’enrichir le sol, ils améliorent sa structure en favorisant la rétention d’eau et la circulation de l’air.
Il reste à déterminer si l’extraction des faluns de Grignon est liée à la création de l’École d’Agriculture ou si elle lui préexistait.
Quelques cartes postales anciennes représentant la falunière :
Accidents mortels dans la falunière
>> Pour mémoire : deux accidents mortels ont eu lieu lors de recherches de fossiles dans l’enceinte du domaine :
- Le premier survient en 1867 dans l’ancienne falunière (emplacement de l’actuel manège équestre), provoqué par un éboulement du front de taille. Il entraîne le décès de Prosper Darmont, élève de Grignon.
L'ardeur des chercheurs est à peine modérée par l'avertissement du danger que leur fait courir la nature ébouleuse des sables et par la présence, à quelques mètres, d'un monument funèbre élevé à la mémoire d'un élève de Grignon qui naguère fut enseveli en poursuivant des coquilles. Stanislas Meunier, Excursions géologiques en France - 1882.
Ou cette autre relation par le même Stanislas Meunier :
Comme le montre notre dessin la falunière est en plein bois ; on y arrive par de belles allées ombragées par des hêtres, des ormes séculaires, et dès les premiers pas on est frappé des coquilles fossiles sur lesquelles on marche et qui proviennent de la carrière. Celle-ci profonde d’une dizaine de mètres, a des fronts de taille qu’on s’attache à tenir aussi propres, aussi verticaux que possible, mais qui s’éboulent de temps en temps et amènent à la chute successive de quelques arbres poussant sur le bord. Il faut de la prudence pour exploiter le sable, il en faut pour y rechercher les fossiles et l’on a malheureusement à rappeler, qu’il y a déjà bien longtemps d’ailleurs, un élève de l’Ecole a péri victime de son gout pour la paléontologie sous un écroulement de terrain. Une petite colonne, située dans le parc réservé au Directeur, consacre le triste souvenir de cette catastrophe.
Une stèle commémorative, située à l’entrée du chemin menant à la falunière, perpétue le souvenir de cet accident.
- Le second accident survient en 1976 dans la falunière actuelle : un professeur et 2 de ses élèves sont ensevelis à la suite d’un éboulement, dans des conditions similaires à l’accident de 1867. Seuls les élèves sont dégagés à temps.
À la suite de ce drame, l’accès à la falunière est interdit jusqu’au 24 mars 1988.
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D’innombrables témoins
On peut s’étonner de la remarquable concentration et de la grande diversité d’espèces fossiles présentes sur ce site unique, certains évoquant jusqu’à 1200 espèces de coquilles (gastéropodes et bivalves), voire davantage. Ces témoins de la vie passée sont exceptionnellement bien conservés, avec, pour certains leur nacre et même leur coloration d’origine encore visibles.
Outre ces coquilles remarquables , on recense également 150 espèces de foraminifères (protozoaires marins), 35 espèces d’ostracodes (crustacés), 10 espèces d’algues calcaires, ainsi que des madréporaires (coraux), des bryozoaires, des céphalopodes (seiches), des échinodermes (oursins), des otolithes de poissons et quelques dents de squales. Grignon est ainsi reconnu comme un « point chaud » de la biodiversité.
Ces témoins de la vie, datant de 42 millions d’années, attestent l’existence d’une mer tropicale, peu agitée et peu profonde – entre 20 et 40 mètres seulement -, avec une température estimée à 25 degrés. Grignon se situe alors en bordure de la transgression du Lutétien, un étage médian de l’Eocène, période appartenant à l’ère tertiaire.
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Une faune marine exceptionnelle
À Grignon, on découvre une faune marine d’une richesse remarquable qui, au fil du temps, évolue vers un milieu lacustre conséquence du progressif retrait de la mer à mesure que le Bassin de Paris se referme. Ce phénomène résulte du mouvement de bascule ayant soulevé l’Est et le Nord du Bassin de Paris au Lutétien moyen. Les différentes couches de sédiments révèlent ainsi l’histoire géologique de la région.
Les couches inférieures de la falunière, plus sombres, contiennent de la glauconie, un marqueur indiscutable du caractère marin du site. Les fossiles y sont disposés de manière désordonnée et de nombreuses coquilles sont perforées, suggérant une accumulation après un transport relativement court. Ces indices témoignent d’une mer calme.
Les espèces découvertes sont caractéristiques des eaux chaudes tropicales et il est fascinant de comparer ces fossiles aux espèces actuelles vivant dans des « points chauds » de la biodiversité, notamment aux antipodes du Bassin parisien, dans les mers tropicales de l’Océan Indien et de l’Océan Pacifique autour de la ligne Wallace. La ressemblance entre certaines espèces fossiles et leurs homologues actuels, malgré plus de 40 millions d’années d’évolution, interpelle quant à la stabilité de leurs caractéristiques au fil du temps.
Les recherches en cours dans la falunière permettent de renouer avec l’esprit et la curiosité des grands scientifiques du passé, poursuivant modestement et respectueusement leurs études.
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L’intérêt géologique de Grignon
L’intégralité d’une conférence donnée par Jacques Le Renard le 8 mars 1974, lors d’une réunion de la Société Versaillaise des Sciences Naturelles, a été retranscrite dans son bulletin de mars 1974. Elle est reproduite ici, avec l’aimable autorisation de l’auteur sous le titre ‘la mer de Grignon’. Les sujets suivants y sont abordés :
- Stratigraphie et la paléogéographie de la falunière,
- Faune rencontrée,
- Conditions de vie,
- Espèces perforantes,
- Prédateurs,
- Modes de vie,
- Beauté et diversité des coquilles fossiles.
Une version actualisée ‘la mer de Grignon – version 2014‘ illustrée par de superbes photos de Remi Coutin est disponible sur le site de l’Association des Naturalistes des Yvelines.
Processus de protection du site d’intérêt géologique du domaine de Grignon
Quelques considérations générales sur la gestion du patrimoine géologique en France depuis la Révolution sont disponibles [Ici].
En 2013, une fiche descriptive intitulée « Les sites du Lutétien dans l’enceinte du parc de Grignon (Thiverval-Grignon) » est disponible sur la plateforme de l’INPN (Institut National du Patrimoine National) sous la référence Fiche IDF0019.
Par ailleurs, un article de Didier Merle rédigé, en 2015 dans le cadre de la préparation du projet d’AGP (Arrêté de Protection de Géotope) soumis à la signature du Préfet des Yvelines analyse en détail ‘L’intérêt géologique du site de la falunière de Grignon’. Publié avec l’autorisation de l’auteur, cet article est disponible [ici].
Quelques articles ont été publiés en 2016 dans la cadre de la défense de Grignon face à la menace de vente du domaine :
Allocution prononcée le 12 mars 2016 lors de la 2ème marche
Articles publiés sur le Blog du Collectif CFSG hébergé par Médiapart : l’Homme et la coquille, Grignon terre sainte de la science, La recherche en paléontologie
Article de Didier Merle ‘L’Etat menace un patrimoine inestimable pour les générations futures‘ – 25 juin 2016
Article de Didier Merle paru dans la revue Fossiles ‘Grignon : terre sainte de la science paléontologique. Défendons là !‘
Article de Didier Merle paru dans la revue Géochronique n°141 de 2017 ‘du Koncentrat lagerstäte au point chaud de la biodiversité‘
Reconnaissance et protection du patrimoine géologique de Grignon
- 26 novembre 2015, le conseil scientifique régional du patrimoine naturel d’Ile-de-France (CSRPN) adopte la motion proposée par la commission régionale du patrimoine géologique (CRPG) concernant le patrimoine géologique du site de Grignon (commune de Thiverval-Grignon, Yvelines).
- 9 février 2016 : Une fiche de saisie de données pour l’inventaire National du Patrimoine Géologique est rédigée concernant ‘les sites du Lutétien dans l’enceinte du parc de Grignon‘ par Elise Auberger, Didier Merle et Jean-Pierre Gély.
- 26 Novembre 2017 : la Direction Régionale et Interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE) Île de France présente un Dossier de protection des sites d’intérêt géologique des Yvelines incluant les sites du Lutétien à Beynes et Grignon au préfet des Yvelines en vue de l’élaboration d’un projet d’Arrêté de Protection de Géotope (APG).
- 26 mai 2018 : Signature de l’arrêté préfectoral de protection du site d’intérêt géologique du domaine de Grignon, officialisant ainsi sa reconnaissance et sa préservation.
Bibliographie:
Didier Merle : Stratotype Lutétien – Publications scientifiques du Museum
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Environnement géologique et coupes du site de Grignon
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L’environnement géologique de Grignon est décrit pour la première fois en 1810 par Georges Cuvier et Alexandre Brongniart, puis par Stanislas Meunier en 1900 avant d’être représenté à de nombreuses reprises par divers chercheurs.
Au fil du temps, plusieurs coupes stratigraphiques de la falunière de Grignon sont proposées, aussi bien par des scientifiques renommés (Cuvier et Brongniart – ci-dessus- , Abrard, Le Calvez et Le Renard, JP Gelly, Huyghe et al.) que par certains membres du Club (H. Lapierre, JM. Garin, H.Dineur).
En 2012, Hervé Lapierre positionne les recherches actuelles du club et propose une synthèse globale des différentes coupes établies au fil des décennies.
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Composition du terrain et fossiles caractéristiques
La succession des assises lutétiennes de Grignon ainsi que leurs fossiles caractéristiques sont décrits en détail par René Abrard dans son essai de monographie stratigraphique « Le Lutétien du Bassin de Paris » (1922).
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1 – LUTETIEN INFERIEUR
– GRIGNON NIVEAU III
Situé immédiatement au-dessus du Sparnacien, ce niveau basal marque une transgression marine. Il se compose d’une couche sableuse glauconieuse, parfois légèrement marneuse, de teinte jaunâtre, contenant de nombreux grains de quartz et des galets noirs roulés.
– GRIGNON NIVEAU IV
Reposant sur le calcaire glauconieux, cette formation est constituée d’environ deux mètres de calcaire dur, renfermant des zones meubles riches en échinodermes, notamment : Echinanthus issyavensis, Echinolampas calvimontana, Pygorhynchus grignonensis. Cette faune caractérise un milieu peu profond, situé à proximité du littoral.
2 – LUTETIEN MOYEN
– GRIGNON NIVEAU V
Le calcaire dur du niveau IV est recouvert d’environ 1,50 mètre de calcaire sableux jaunâtre, parsemé de glauconie et durci par endroit. Ce niveau est peu fossilifère, mais l’on y trouve notamment Ampullospira hybrida.
– GRIGNON NIVEAU VI
Cette couche, d’une épaisseur de 1 à 1,5 mètre, est constituée de calcaire sableux fin, de couleur fauve, contenant de la glauconie. Elle correspond à un domaine infra-littoral supérieur ouvert.
La base de ce niveau est particulièrement riche en fossiles, révélant un milieu marin tropical peu profond (environ 20 mètres de profondeur, température proche de 25°), peu agité et caractérisé par la présence d’herbiers. Parmi les fossiles emblématiques figurent : Cerithium giganteum qui peut dépasser 70cm, Turitella, Voluta, Murex, des gastéropodes carnivores (Natica), des polypiers libres, Sycum, Arca, Cardita,….
Cette faune est caractéristique des régions indo-pacifique actuelles. On y observe également de nombreuses accumulations de débris transportés par les courants.
– GRIGNON NIVEAU VII
Les premiers indices de dessalure apparaissent avec les dépôts de calcaire sableux très blanc et assez dur, pratiquement dépourvus de fossiles (azoïque), indiquant un domaine infra-littoral supérieur restreint.
– GRIGNON NIVEAU VIII
À la base, on trouve un fond sableux blanc très fin, tapissé d’herbiers, caractéristique du domaine infra-littoral supérieur ouvert et témoignant d’une importante transgression marine.
Vers le sommet, les dépôts deviennent de plus en plus marneux, signe d’une régression marine et d’une transition vers un domaine infra-littoral restreint.
La faune, riche à la base, indique un milieu marin peu profond et proche du littoral, mais plus agité et largement ouvert sur le large. L’orientation des coquilles, ainsi que les variations de densité et de taille des fossiles, suggèrent soit une proximité avec des chenaux, soit des fluctuations importantes des courants marins au cours de cette période.
Au sommet de ce niveau, une tendance lagunaire se manifeste par l’apparition d’une faune marine à dessalure caractérisée par : une rareté des lamellibranches, de nombreux cérithes et une abaondance de petits foraminifères (Milioles, Orbitolites complanatus) vivant dans de grands herbiers de phanérogames.
[1]↩Interprétation : rochers = murex, buccins = ? cryptochordes, cames = chama(s), limaçons = natices, ampullines, tonnes = casques, bonnet chinois = hipponyx ou calyptrées, poulettes = palourdes, boucardes = cardium
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