Avant la Renaissance

  • La Bible

Le récit du Déluge dans la Genèse (la Bible entre VIᵉ s. et IIᵉ s. av. J.C.) est un texte fondateur qui, en Europe, va servir de référence jusqu’à la fin du XVIIIème siècle à de nombreux scientifiques dont l’objectif sera de concilier le récit biblique avec les avancées en sciences naturelles, et influencer leurs raisonnements quant aux notions, entre autres, de la diversité des espèces, de leur immense répartition géographique, de la profondeur du temps, de l’âge de la terre, de l’origine des fossiles… Récit du déluge dans la Genèse

  • Xénophane de Colophon (570-475), Hérodote, (480-425), Ératosthène (v. 

Les philosophes, voyageurs ou historiens grecs ont mentionnés la présence de coquilles pétrifiées d’origine marine, d’empreintes de poissons dans des lieux distants de la mer (carrières de Sicile, Syracuse, ile de Paros, Malte, Memphis en Egypte, Sinop en Turquie…). Ils évoquent « d’anciens territoires autrefois recouverts par la mer » (Xénophane de Colophon), « Je pense qu’à l’origine, l’Égypte a pu être un golfe de ce genre, portant jusqu’en Éthiopie les eaux de la Méditerranée. J’en ai pour preuves les coquillages qui se trouvent dans les montagnes, le sel répandu partout dans l’air qui corrode même les pyramides, la montagne au dessus de Memphis qui est le seul endroit de ce pays où il y ait du sable. » (Hérodote, Histoire 2,10), « des animaux barbotant dans la boue et dont leur empreinte dans la boue a séché » (Xénophane de Colophon).

  • Aristote

Aristote (384-322) philosophe grec, élève durant 20 ans à l’Académie d’Athènes animée par Platon. Indépendamment du système global de la pensée d’Aristote,  c’est sa défense d’une méthode positive en science naturelles qui est intéressante : la connaissance s’acquiert par l’observation empirique et minutieuse et par l’expérience ; la théorie devra rendre compte de ce qui est observé, et non l’inverse. Ses concepts de géocentrisme, d’éternité du monde et de « génération spontanée » vont freiner durant 2 millénaires les réflexions autour de l’évolution. A la fin du XVIIIème siècle Buffon et Cuvier rendent encore un hommage appuyé à l’œuvre d’Aristote.

Son œuvre monumentale, principalement descriptive, concerne l’étude de l’ensemble du vivant : ‘L’Histoire des Animaux et ‘Partie des Animaux‘ sont une compilation d’observations de la vie des différentes espèces animales. Par exemple cette description du hérisson de mer (oursin) : 

« §4 Il se trouve que ce qu’on appelle la tête et la bouche sont en bas dans le hérisson, et que l’orifice par où sortent les excréments est en haut. […] car, prenant leur nourriture par les parties inférieures, la bouche est tournée près de ce qu’elle doit saisir, et les excréments sortent par en haut, dans la partie supérieure de la coquille.
§5 Le hérisson de mer a cinq dents, dont l’intérieur est creux ; et entre ces dents, se trouve un corps charnu qui tient lieu de langue. Vient ensuite l’œsophage ; puis, après l’œsophage, l’estomac, qui est divisé en cinq parties, et qui est plein d’excréments. […]
§7 La bouche du hérisson de mer se tient sans discontinuité d’un bout à l’autre ; mais, à la surface, elle n’est pas continue, et l’on dirait d’une lanterne qui n’aurait pas la peau qui doit en faire le cercle. » Histoire des animaux Livre IV-5 (343 BC) – Traduction J. Barthélémy-Saint Hilaire (1883) 

A comparer avec l’article « Oursin » de l’Encyclopédie en 1751 > 21 siècles après l’observation d’Aristote :

"L’oursin a dans la cavité de sa coquille un intestin qui s’attache en tournant à cinq anneaux : cet intestin va se terminer à une bouche ronde, large, & opposée au trou par où sortent les excrémens. Elle est garnie de cinq dents aiguës & visibles au bout de cinq osselets, au centre desquels est une petite langue charnue, espèce de caroncule, où est cette bouche qui finit en intestin, tournant autour de la coquille, suspendue par des fibres délicates. Ces petits osselets sont liés par une membrane située au milieu de l’intestin, & forment la figure d’une lanterne".

Lire par ex exemple : « la seiche », « l’argonaute », les « sens des testacés ». Ici

Dans « Parties des Animaux« (Livre 1-§ I à IV) Aristote traite de la méthode à suivre en histoire naturelle et notamment les règles auxquelles toute connaissance du réel doit se soumettre pour prétendre à quelque vérité. Ici. La traduction provient du site http://www.remacle.org/

Dans « Histoire des animaux » (Livre 1-§ V et VI) Aristote propose une classification des animaux par genre et espèce : « Un autre genre est celui des testacés, qu’on appelle huîtres ou coquillages. Puis, le genre des animaux à coquilles molles (crustacés), pour lesquels il n’y a pas de nom unique qui les comprenne tous, tels que les langoustes, les cancres et les écrevisses ; puis le genre des mollusques, comme la seiche, le grand et le petit calmar. » Cette classification des animaux perdurera jusqu’à Buffon. IciLa traduction provient du site http://www.remacle.org/

  • Pour juger de l’influence d’Aristote, par exemple sur le thème de la submersion marine et des coquilles/fossiles dans la littérature antique « Comme il y a nécessairement quelque changement de l’univers, sans qu’il y ait cependant pour lui ni naissance ni destruction, puisqu’il subsiste toujours, il y a une nécessité égale, ainsi que nous le soutenons, que les mêmes lieux ne soient pas toujours inondés par la mer ou les fleuves, et que les mêmes lieux ne soient pas toujours secs. Les faits sont là pour le prouver. » Aristote Les Météorologiques Livre 1-XV. Trad J. Barthélémy St Hilaire (1863).

Théophraste d’Erèse (368-284) disciple et successeur d’Aristote à la tête de l’école péripatéticienne (le Lycée) distinguait les roches ordinaires des organismes changés en pierres. Il cite des plantes pétrifiées, des ossements, de l’ambre et de l’ivoire fossilisés. Par rapport à la submersion marine : « Comme preuve de l’ancienne submersion de la mer, ont été laissé en dépôts des galets, des coquilles marines délaissées à sec, et divers autres objets du genre de ceux que la mer, en ses tempêtes, a coutume de rejeter.«  Au sujet des poissons fossiles de Paphlagonie (Turquie) que « La terre serait capable, par un mélange adéquat de chaleur et d’humidité, d’engendrer [des animaux] de cette sorte. » A rapprocher de la « génération spontanée » et de « l‘exhalaison souterraine » suggérée par Aristote. On peut par ailleurs considérer Théophraste comme le fondateur de la minéralogie de par sa description d’une cinquantaine de minéraux, de leurs propriétés et de leurs usages. « Le livre des pierres ».

 

>> Ovide (43 av. J.-C. – 18 ap. J.C.), poète latin offre dans le livre XV des « Métamorphoses » un portrait de Pythagore en tant que figure à la fois historique et légendaire, et explore les thèmes de la philosophie, de la spiritualité et de la relation entre l’homme et le cosmos.

Dans le passage ci-dessous, Ovide attribue à Pythagore l’idée que la Terre est un être vivant.

Même si la notion spécifique de coquillages dans les montagnes n’est pas attribuée directement à Pythagore, sans documents directs de Pythagore lui-même, elle est en accord avec certaines des conceptions de la cosmogonie mises en place par l’école pythagoricienne, notamment que la terre était un organisme vivant animé par un esprit divin et qu’elle était sujette à des transformations et à des cycles de création et de destruction.

 "Je ne pense pas que rien puisse durer sous la même apparence. C'est ainsi qu'après le siècle d'or est venu le siècle de fer. C'est ainsi que divers pays ont changé de fortune. J'ai vu ce qui fut jadis un terrain solide être maintenant une mer. J'ai vu des terres sorties du sein des ondes, et des conques marines loin des bords d'Amphitrite : une vieille ancre a été trouvée sur de hautes montagnes. Des torrents rapides ont creusé des vallons dans les plaines. Les inondations ont fait descendre des collines au sein des eaux. Des marais sont devenus des champs sablonneux; et des terres arides sont aujourd'hui des marécages." Les Métamorphoses XV-259 Traduction de G.T. Villenave, Paris, 1806 sur remacle.org

 

>> Pline l’ancien cite Théophraste : « Théophraste rapporte qu’on trouve de l’ivoire fossile, tant blanc que noir; que la terre produit des os, et qu’il est des pierres osseuses débris organiques ; car il parle d’ivoire fossile, de roseaux pétrifiés, etc. » Pline l’Ancien – Histoire naturelle Livre XXXVI – chap XXIX

 

  • Strabon

Strabon est un géographe et historien grec (v.  ap. J.-C.). Il évoque les « grains d’orge » [nummulites] contenues dans les pierres de construction des pyramides d’Egypte. Il évoque également dans son ouvrage « Géographie » les propos d’Ératosthène géographe, philosophe et mathématicien grec, (v. 

"...Une question se présente, qui a, suivant lui (Ératosthène), particulièrement exercé la sagacité des philosophes, c'est comment il se peut faire qu'à deux et trois mille stades de la mer, dans l'intérieur même des terres, on rencontre en maints endroits quantité de coquilles, de valves, de chéramides, ainsi que des lacs d'eau saumâtre, notamment aux environs du temple d'Ammon et sur toute la route qui y mène, laquelle n'a pas moins de trois mille stades de longueur. « Il y a là en effet, dit il, comme un immense dépôt de coquilles ; le sel aujourd'hui encore s'y trouve en abondance et l'eau de la mer elle-même à l'état de sources jaillissantes; on y rencontre en outre force débris d'embarcations ayant évidemment tenu la mer, mais que les gens du pays prétendent avoir été vomis là par quelque fissure ou déchirement du sol, et jusqu'à de petites stèles surmontées de figures de dauphins et portant l'inscription suivante: DES THÉORES DE CYRÈNE. » Puis à ce propos il cite, et même avec éloge, l'opinion émise par (...) Xanthus de Lydie, historien grec (v.499 – v.440 av.J.-C.)."Xanthus, rappelait qu'au temps d'Artaxerxès une grande sécheresse était survenue, qui avait tari les fleuves, les lacs et les puits, qu'en maints endroits, tous situés fort avant dans les terres, et par conséquent bien loin de la mer, il avait pu observer de ses yeux des gisements de pierres ayant, la forme de coquillages ou portant l'empreinte de pétoncles et de chéramides, ainsi que des lacs d'eau saumâtre, en pleine Arménie chez les Matiènes et dans la basse Phrygie, et de ces différents faits il concluait que la mer avait dû se trouver naguère à la place où sont aujourd’hui ces plaines." Strabon Géographie 1-3-4 - Traduction française : Amédée Tardieu. Site Remacle.org
  • Pline l’Ancien

Pline l’Ancien (23-79) Homme politique, militaire romain, écrivain et curieux de la Nature restitue son savoir encyclopédique dans ‘Naturalis Historiae qui va faire référence jusqu’à la Renaissance et servir de source à nombre d’ouvrages d’apparence scientifique. Pline n’est pas un savant ni un créateur : carnet de notes de ses observations personnelles lors de ses nombreux voyages, ‘Naturalis Historiae‘ est surtout une compilation ‘stylistique’ du savoir de son époque et de celui hérité des auteurs grecs anciens (notamment Aristote). Il évoque néanmoins (Livre 37)

"La glossopètre, semblable à la langue de l'homme, ne s'engendre point, dit-on, dans la terre, mais tombe du ciel pendant les éclipses de lune; elle est nécessaire à la sélenomantie ; mais nous avons été rendus incrédules par la vanité d'une promesse comme celle-ci, à savoir que cette pierre fait cesser les vents" et "La corne d'Hammon est une des gemmes les plus révérées de l'Éthiopie ; de couleur d'or, représentant une corne de bélier, on assure qu'elle procure des rêves prophétiques"- La traduction d' E. Littré provient du site http://www.remacle.org/.

Pline nous a légué un certain nombre de noms de coquilles qui sont restés dans notre vocabulaire : Murex, conche, vénus, pourpre, huitre, buccin, pinne, moule… Sur les coquilles en général :

>> Pour aller plus loin dans la connaissance des idées des auteurs de l’Antiquité, lire l’article « De la génération équivoque des pierres et des fossiles d’après les textes anciens » de Geneviève Bouillet in Comité français d’Histoire de la Géologie, 1986.

  • Ikhwan al-Safa – Les Frères en Pureté

Un texte encyclopédique en arabe «  Rasa’il Ikhwan al Safa’ ou  » Les Epîtres des Frères en Pureté » (52) – aux origines indéfinies (Xème siècle ?  Iran, Irak ? auteur(s) anonyme(s) connu(s) sous le nom de Frères en (de la) Pureté, collectif de savants, d’imams ou auteur unique ?) – évoque, dans une des épitres consacrées aux sciences de la nature, des théories qui seront énoncées par Léonard de Vinci, puis par Stenon : érodées sous l’effet des conditions climatiques, les montagnes finiront par être submergées, leurs débris acheminés par les fleuves dans la mer se déposent en strates successives et formeront les montagnes qui seront à leur tour émergées.

  • Avicenne

Avicenne ( est un médecin, savant et philosophe persan dont la pensée va irriguer l’Europe jusqu’au XVIème siècle, restitue dans une œuvre abondante son savoir encyclopédique sur la médecine, la philosophie, les sciences… Dans ‘KITÂB al-shifÂ’‘ (le livre de la guérison – 1027) le chapitre ‘Congélation et agrégation des pierres‘ décrit un processus de successions de transgressions/régressions marines avec dépôts successifs, traversés de fluides pétrifiants, dans « lesquels se trouvent des parties d’animaux aquatiques, tels que des coquillages, etc…«  (extrait). Une nouvelle fois le message ne passe pas, ce texte ayant été omis dans la traduction latine (1200) à destination de l’Europe, le processus de dépôts successifs ne sera théorisé par Stenon en « principe de la superposition des couches » que…6 siècles plus tard.

  • Albert le Grand

Albert le Grand (1200-dominicain, naturaliste, immense philosophe imprégné d’Aristote et d’Avicenne, accorde une grande importance à l’expérience et à l’observation systématique et objective. Concernant l’origine des fossiles on peut lire dans le texte De causis proprietatum elementorum(Des propriétés des éléments) les notions de transgression et régression marine ainsi qu’une des premières évocations des fossiles du bassin de Paris « Nous trouvons une preuve de tout cela (le recul de la mer) dans les restes d’animaux aquatiques (…) ; l’eau sans doute les y amenés avec le limon gluant qui les enveloppait ; le froid et la sécheresse de la pierre les ont ensuite préservés d’une putréfaction totale. On trouve une très forte preuve de ce genre dans les pierres de Paris, en lesquelles on rencontre très fréquemment des coquilles, les unes rondes, les autres en forme de croissant de Lune, les autre encore bombées en forme d’écaille de tortue«  ou encore dans ‘De quibusdam lapidibus habentibus intus et extra effigies animalium‘ (Des pierres qui au dedans et au dehors portent l’image d’animaux) – Livre 1-2-8 :« Il n’est personne qui ne s’étonne de trouver des pierres portant à l’intérieur ainsi qu’à l’extérieur, l’image d’animaux. Extérieurement en effet elles en montrent le contour, et, quand on les brise, on trouve en elles la figure des parties internes de ces animaux. Avicenne nous enseigne que la cause de ce phénomène est le fait que des animaux peuvent, en entier, se transformer en pierres, et, partiellement en pierres salines. » 

  • Le Combat des Chevaliers et des escargots

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Une iconographie qui met en scène le combat entre un Chevalier lourdement armé (ou un Paysan) et un Escargot parfois ressemblant à une Ammonite, a fleuri sous la forme d’enluminures dans les marges de nombreux manuscrits du Moyen-âge ou de médaillons sculptés sur le porche de la cathédrale St Jean à Lyon… Ou alors la représentation d’hybride zoomorphe ou anthropomorphe à partir d’une coquille. La signification de ces représentations est obscure : est-ce de la dérision face à la chevalerie qui s’attaque à plus faible ? Est-ce la destruction de l’escargot « géant » de Bourgogne nuisible à la culture de la vigne…? Des civils également s’en prennent à l’escargot. Tandis que d’autres chevaliers semblent en adoration ou implorer miséricorde… 

 A noter que les coquilles représentées à droite des enluminures sont « senestres ».

 

Un autre épisode beaucoup plus récent, puisque datant du XVIIème siècle, est moins glorieux pour l’escargot : lors du siège de La Rochelle par Richelieu en 1627/1628 les anglais sont venus prêter mains fortes aux protestants rochelais assiégés ; par 3 fois des navires anglais ont tentés de forcer le siège ou de s’implanter sur l’ile de Ré. Ils ont à chaque fois été repoussés par la Royale. Ces épisodes ont été consignés sur un jeton frappé en 1628 par la ‘Chambre aux deniers du Roy’ Louis XVIII, représentant un escargot symbolisant un anglais (?), le cou transpercé d’une flèche s’éloignant des tours de La Rochelle sur un radeau. Avec cette inscription « Esto domi », « Rentrez chez vous !  » ou plus exactement « Go Home ! ».


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